Claudius, le dernier forgeron

de Montbrison

En 1976, le dernier maréchal-ferrant de la sous-préfecture, fermait sa forge de la rue de la République.

L'homme avait la soixantaine, de fortes mains noires, de gros biceps, béret au-dessus des lunettes fumées, et un pull bleu troué sous le tablier de cuir.

Il abandonnait la basane et son atelier noir, enfumé, encombré de ferrailles pour une retraite bien méritée. La forge était primitivement un jardinet qu'on avait recouvert d'une verrière Mais les vitres étaient fêlées et pour activer la forge, l'énorme soufflet crevé, hors d'usage depuis longtemps, avait été remplacé par la soufflerie électrique. Un martinet, des cisailles, des pinces de toutes tailles un peu partout et, surtout, l'imposante enclume bien calée sur sa robuste "chabotte"...

Claudius Merle était né à Sainte-Foy-Saint-Sulpice, au hameau de Villedieu, en 1913. Il avait quitté l'école à neuf ans pour être petit valet dans les fermes avant d'entrer à vingt ans, en 1934, à la maréchalerie Jacquet. C'est en forgeant que l'on devient forgeron, Claudius prend vite goût au métier et épouse la fille du patron.

Sept forges aux portes de la ville

1935 : c'est alors la belle époque pour les forgerons. Sept forges rougeoient dans les faubourgs de la ville et, bon an, mal an, il faut ferrer 800 chevaux. Le chemin de fer est un bon client en concédant la réparation et l'entretien de son matériel, notamment les râteaux pour égaliser le ballast.

Quarante ans ont passé, une à une, les forges se sont éteintes. Désormais, Claudius n'allumera sa forge que pour rendre service à quelques vieux clients devenus des amis : retremper les broches d'un maçon ou le tranchant du piochon d'un jardinier...

Le vieil artisan et les enfants

En 1974, les élèves d'une classe sont venus visiter la dernière forge et l'interroger. Claudius, dans son antre noir, au milieu d'une gerbe d'étincelles, a forgé devant eux un fer à cheval, un crochet et même un bel anneau. Fascination de tous, écoliers et maître devant la magie du fer et du feu !

Revenus en classe les enfants avaient rédigé un petit texte :

"Des outils, des machines, des tas de ferraille encombrent l'atelier sombre et poussiéreux du forgeron. La flamme claire de la forge en illumine un coin.
Le vieil artisan porte un grand tablier de cuir et un béret. Il saisit une barre de fer et l'enfonce dans les charbons rouges. Avec les pinces il prend le métal rougi et commence à le travailler sur l'enclume. Ses gestes sont pleins de force et d'adresse. On comprend que le forgeron aime son métier.
"

C'est bien vrai. "Un travail n'est jamais dur..."

Et peut-être, devenus grands, les écoliers ont-ils retenu ses fortes paroles qui valent toujours autant : "Le travail ça vous maintient dans la vie" ou encore "Un travail n'est jamais dur quand ça vous plaît".
Une belle leçon de chose et de vie ! Merci Claudius.

Joseph Barou

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Le vieux forgeron et les écoliers

(Montbrison, 1976, Montbrison 1979)



le fer, le feu, l'eau

Le geste sûr


la parole

l'enclume, le marteau, le fer

l'écoute...

 



Le feu de la forge

attisé par l'énorme soufflet


la grosse enclume

 

le martinet


fabrication d'un anneau

réfection de la pointe d'une broche

Réfection du tranchant de la pioche

Un petit coup de lime

fabrication d'un fer à cheval
en partant d'une barre de fer rougie

Le fer prend forme sur la bigorne

 



Percement des trous

                   


 Confection du pinçon

 



le fer est achevé...




Le travail ça vous maintient dans la vie



Conception : David Barou
textes et documentation : Joseph Barou
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   Mis à jour le 6 janvier 2011