Portrait du docteur Rey
tiré de La Loire : dictionnaire, annuaire et album, Paris, 1899

 

Le docteur Eugène Rey

(1811-1898)

portrait d'un médecin et notable montbrisonnais

par Claude Latta

A la mémoire de mon ami Francis Goutorbe :
ce texte lui appartient aussi.

En 1996, nous avions présenté, le docteur Francis Goutorbe et moi, une communication " à deux voix " faite à la Diana sur un notable montbrisonnais, le docteur Eugène Rey (1811-1898). J'avais parlé du milieu familial, des études, plus brièvement de la carrière hospitalière, et surtout du rôle politique et de l'œuvre d'écrivain du docteur Rey. Francis Goutorbe avait replacé les conceptions du docteur Rey dans le contexte de l'histoire médicale de son époque, évoqué plus précisément sa carrière hospitalière et l'histoire de l'hôtel-Dieu de Montbrison ; il avait aussi raconté la première anesthésie à l'éther qu'il pratiqua dès 1847. On pourra se reporter à nos deux textes dans le Bulletin de la Diana, tome LV, n° 3, 1996 :

- Claude Latta, Le docteur Rey, médecin, historien et écrivain, maire de Montbrison, p. 245-267
- Francis Goutorbe, Eugène Rey, médecin de l'hôpital de Montbrison , p. 267-173.

Aujourd'hui, je tente une synthèse de ce que nous savons sur la vie et l'œuvre du docteur Rey.
L'ensemble du texte que j'avais publié dans le Bulletin de la Diana a été, selon la formule consacrée, " revu et augmenté ". J'ai utilisé aussi en partie l'étude faite par Francis Goutorbe et j'ai mentionné en note ce qui lui revient. J'ai pu aussi mettre à profit les compléments qu'avait apportés Noël Gardon.

Le docteur Francis Goutorbe est décédé en juin 2003 : je dédie ce travail à sa mémoire et je lui ai rendu hommage dans le dernier numéro de Village de Forez. Ce travail qui trouve son origine dans une conférence qui m'a été demandée par le docteur Bertholon pour l'assemblée générale de l'association des médecins retraités de la Loire, le 9 décembre 2003.

De l'hommage des Montbrisonnais
à la découverte d'un homme

Le 20 mars 1898, Montbrison rendait un dernier hommage à son ancien maire, le docteur Eugène Rey, mort à l'âge de 87 ans. Il était décédé chez sa fille, Mme Chavassieux (1), près de laquelle il avait passé ses derniers mois et qui résidait rue de Lyon. Le cortège partit de la maison mortuaire pour gagner la collégiale Notre-Dame puis le cimetière de la Madeleine. Le long cortège indiquait la notoriété du défunt, mais aussi l'estime et l'affection qui l'entouraient. Son gendre, le commandant Chavassieux, conduisait le deuil. Derrière la famille venaient le sous-préfet, M. Dupré, le maire de Montbrison, Claude Chialvo, et les membres du conseil municipal, les médecins marchant en corps, les officiers de la garnison, les chefs des administrations. Puis s'écoulait lentement la longue file des Montbrisonnais. Une compagnie du 16e Régiment de ligne rendait les honneurs au chevalier de la Légion d'honneur. Au pont Saint-Jean, on aborda l'hôtel-Dieu, ce qui rappelait à tous le rôle que le docteur Rey avait joué dans cet établissement ; les funérailles religieuses à Notre-Dame furent l'occasion de dire qu'il avait été l'un des historiens de la collégiale. Au cimetière, le docteur Dulac évoqua le médecin ; Claude Chialvo dit quel avait été le dévouement du maire et du conseiller municipal. Et l'on inhuma le corps du docteur Rey dans le caveau de sa famille, situé contre le mur sud du cimetière : sa femme et ses deux fils y reposaient déjà.

Au delà de l'hommage rendu par Montbrison à son ancien maire et du spectacle des pompes funéraires de la fin du XIXe siècle, il est passionnant d'aller à la découverte d'un homme qui a marqué l'histoire de sa ville par son rôle de médecin, par ses fonctions municipales et aussi par ses talents d'écrivain et d'historien. Ainsi, après nous être déjà penché sur l'histoire de plusieurs dynasties montbrisonnaises - les Bernard, les Chavassieu, les Levet - continuons-nous notre exploration de cette bourgeoisie provinciale dont la connaissance est si importante pour comprendre l'histoire du XIXe siècle.

I. Le docteur Rey, médecin à Montbrison

Le milieu familial

Jean François Eugène Rey (2) était né à Montbrison le 12 janvier 1811, fils de Joseph Rey et de Marie Vidal.

- Les Rey venaient du Dauphiné. Le père du futur docteur Rey, Joseph Rey, était né aux Echelles (Isère) dans une famille de négociants. La conscription et les guerres révolutionnaires en firent un jeune officier, combattant dans l'armée du général Masséna, " l'enfant chéri de la Victoire ", lorsque celui-ci battit à Zurich les Autrichiens de l'archiduc Charles (4 juin 1799) puis, quelques mois plus tard, les Russes du général Korsakov (3). En 1800, Joseph Rey est depuis six mois en poste à Montbrison, d'abord au 1er bataillon auxiliaire de la Loire puis à la 26e demi-brigade, lorsqu'il épouse, le 26 pluviose an VIII, Marie Vidal (4).

- Les Vidal étaient une vieille famille montbrisonnaise. Le père de Marie Vidal, Jean-Jacques Vidal, était, avant la Révolution, maître-chirurgien et avait acheté une charge de greffier de M. le premier chirurgien du roi (5). La mère de Marie Vidal, Marie Raysonnier, était, elle, l'héritière d'une véritable dynastie d'orfèvres qui tenaient boutique rue Tupinerie, à l'angle de la rue du Marché. Deux des fils de Jean-Jacques Vidal et de Marie Raysonnier, Léonard et Michel Vidal furent aussi chirurgiens et étaient installés rue des Pénitents : après 1789, ils sont indiqués comme médecins (6).

Pour rester à Montbrison, Joseph Rey quitta l'armée et entra comme employé dans les bureaux des contributions : il fit sur place une carrière de percepteur, devint un notable local, chevalier de la Légion d'honneur et se retira dans sa maison de la rue du Marché. Il avait gardé le souvenir des campagnes faites avec Masséna et en faisait volontiers le récit " qu'il me fallait subir - écrit son fils - sans en supprimer une étape, au moins trois fois par an "(7) .

Joseph Rey et Marie Vidal avaient eu cinq enfants : Eugène était le dernier d'entre eux. Il appartenait donc, par sa naissance, à une famille de moyenne bourgeoisie : un père officier, jeté sur les routes par les guerres de la Révolution, assagi dans un poste de percepteur, un grand-père maternel et deux oncles médecins. Par sa mère, il était bien enraciné dans la bourgeoisie montbrisonnaise.

Les études

Eugène Rey fréquenta d'abord la petite école primaire dirigée par l'instituteur Grégoire Baune et installée au fond de la cour de l'ancienne maison du chanoine Paparin, presque en face de la collégiale Notre-Dame. Eugène Rey a évoqué avec verve la personnalité de son maître d'école, lettré et sévère. Cet ancien chef de service des contributions directes avait été, en 1815, révoqué par la Restauration et avait ouvert une école primaire. Eugène Rey a évoqué, dans ses Historiettes foréziennes, son dévouement, ses qualités de pédagogue, sa sévérité et l'austérité de sa vie et aussi sa culture encyclopédique : " Son visage annonçait une intelligence que la pratique des chefs-d'œuvre littéraires avait remarquablement développée, une grande énergie morale et une volonté de fer."(8)

Dans son étude sur la collégiale, Eugène Rey évoque " les folles journées de (son) enfance passées à faire l'école buissonnière " à l'ombre des " grands murs de Notre-Dame " et " à enjamber lestement les 133 marches étroites de son robuste clocher "(9).

Eugène Rey fréquenta ensuite le collège royal de Montbrison où il fut le condisciple d'Auguste Bernard, le futur historien du Forez. Il obtint le baccalauréat à 17 ans, puis se rendit à Lyon pour y faire ses études à l'école secondaire de médecine créée en 1821 ; il fut l'élève du docteur Jacques Richard de Laprade, ancien médecin de l'hôtel-Dieu de Montbrison, professeur de clinique interne (10) et père du futur poète Victor de Laprade, membre de l'Académie française. Il suivit ses cours avant d'être reçu à l'internat des hôpitaux de Lyon en 1832.

En 1834, lors de l'épidémie de choléra de Marseille, le jeune interne fut envoyé dans cette ville pour aider à  soigner les malades.  L'épidémie fut, en effet, terrible. En 1832,  elle avait frappé Paris et fit 32 000 morts dans la capitale, mais se développa aussi à Lille et Bordeaux ainsi qu'en Normandie. Elle éclata à Marseille en 1834. Il y eut plus de 3 000 morts (11) et 25 000 personnes quittèrent la ville (qui avait 145 000 habitants). Les médecins marseillais ne suffisaient pas à soigner les malades : on fit appel à des médecins et à des internes des hôpitaux de Paris, Lyon et Montpellier : le jeune interne de 21 ans fit la double et tragique expérience de l'épidémie et de l'impuissance de la médecine.

Eugène Rey partit ensuite pour Montpellier qui avait une ancienne et célèbre faculté de médecine (2) : il y fit sa thèse sur les rhumatismes, soutenue en 1836 (13). Nous le savons par un passage savoureux de ses Historiettes foréziennes. Eugène Rey nous raconte l'histoire d'un épicier montbrisonnais, M. Purin, qui fit fortune sous l'Empire pour avoir stocké des pains de sucre avant que le Blocus ne les rendît introuvables :

" Mon père - écrit Eugène Rey - lui ayant un jour fait part de son intention de faire de moi un médecin : " un médecin ! dit M. Purin... Vous n'y avez pas réfléchi ; cela vous coûtera les yeux de la tête et votre pension n'y suffirait pas... Mettez-le plutôt en apprentissage chez moi ; il paraît intelligent, je le formerai et il s'en trouvera bien." J'étais présent, et à ce propos, je devins rouge jusqu'aux oreilles. "

M. Purin, lui dis-je, je vous remercie de vos bonnes intentions ; mais l'intelligence n'est pas nécessaire pour vendre du macaroni, et le temps de la vente des pains de sucre à vingt-quatre francs de bénéfice ne reviendra probablement jamais. Vous avez des rhumatismes... Je choisirai cette maladie pour sujet de ma thèse et je vous la dédierai "(14) .

Six ans plus tard, le Docteur Rey donna sa thèse à M. Purin avec une belle dédicace ; " Peu de jours après, ma mère en rapportait à la maison les trois premières feuilles ; elles servaient d'enveloppe à un paquet de bougies et à un morceau de fromage de Gruyère." (15)

Médecin de ville et médecin de l'hôtel-Dieu de Montbrison

A la fin de ses études, Eugène Rey fit, pendant l'été de 1836, un long voyage en Suisse puis un séjour à Paris, pour finir d'y passer ses examens. A une époque où peu de gens voyageaient, c'était une ouverture sur le monde qui donnait au jeune médecin qui était allé à Lyon, Marseille et Montpellier, un peu de recul. Mais il était très attaché à sa ville natale et décida de s'y installer.

Sur ses débuts, nous avons le témoignage de son confrère le docteur Dulac : " Les débuts furent durs pour lui. M. Rey n'avait pas de fortune et il arrivait, lui, sixième, dans une ville qui offrait de maigres ressources. Deux choses le soutinrent à cette époque, il me l'a dit bien des fois quand nous courions la campagne ensemble, l'amour de son métier et la tendresse de celle qui était devenue sa femme. Mais les qualités naturelles de notre confrère, son aménité, la culture de son esprit, ne tardèrent pas lui créer une situation. "(16)

Eugène Rey avait épousé Catherine Favrot, de cinq ans sa cadette, fille d'un avoué montbrisonnais (17). Ils eurent quatre enfants : Pierre Lucien (1840), Paul Antoine (1843), Louis Ferdinand (1847, mort à cinq mois) et une fille, Antoinette Valentine (1852) (18).

Le docteur Rey fit une double carrière : médecin de ville, il recevait dans son cabinet installé quai des Eaux-Minérales puis, rue Notre-Dame. Il courait aussi la campagne : on venait le chercher à toute heure du jour et de la nuit : il attelait sa jument et partait avec sa voiture à cheval. Dans l'une de ses Historiettes, il évoque ainsi le jour où, en décembre, " au retour d'un voyage en montagne " et alors qu'il dormait " chaudement abrité contre un froid de - 7° ", il dut repartir pour la ferme-école de la Corée, parce que François, le domestique, venait le chercher : il fallut à nouveau atteler la " grise " après lui avoir donné double ration d'avoine et avoir réchauffé le domestique avec une rasade de cognac (19). Rude vie que celle des médecins de campagne au siècle dernier...

Parallèlement, le docteur Rey fit aussi une carrière de médecin hospitalier : médecin suppléant des hospices dès 1838, il devint médecin titulaire en 1844, à l'âge de 33 ans. Médecin des hospices de Montbrison : il était très fier de ce titre. L'hôtel-Dieu de Montbrison, installé sur les bords du Vizézy depuis le XIIIe siècle, fut sa véritable maison pendant 50 ans : il exerça en effet ses fonctions jusqu'en 1894.

Le docteur Rey exerça, en outre, de multiples charges ou fonctions : médecin de la ferme-école de la Corée (1845), président du jury médical de la Loire et secrétaire du conseil d'hygiène du département (1849), président de la commission des épizooties (1850), médecin des épidémies de l'arrondissement de Montbrison, médecin de l'école normale de Montbrison et du petit séminaire de Verrières.

Une anesthésie générale à l'hôtel-Dieu de Montbrison (1847)

En 1847, le docteur Rey s'illustra en réalisant l'une des premières anesthésies générales pratiquées en France. Cette méthode nouvelle avait été pratiquée pour la première fois par Horace Wells, un dentiste américain, en 1844, en utilisant le protoxyde d'azote pour anesthésier un patient afin de lui extraire une dent. En 1846, William Morton, lui aussi dentiste, utilisa l'éther pour la même opération. En 1847, à Edimbourg, Simpson pratique la première anesthésie au chloroforme La même année Liston, un grand chirurgien anglais, pratique la première opération avec anesthésie au protoxyde d'azote. Mais ces méthodes restaient controversées et considérées avec nuance voire scepticisme par les maîtres lyonnais du docteur Rey. Si Bouchacourt, chirurgien-major de la Charité venait d'introduire l'anesthésie générale en obstétrique, Gensoul, un chirurgien réputé, n'avait fait que deux anesthésies lorsqu'il brigua le poste de professeur en 1848 (20). Les plus jeunes étaient plus hardis : Jean-Baptiste Perret, un des collègues d'internat d'Eugène Rey, venait de pratiquer plusieurs anesthésies à l'éther à l'hôpital de Villefranche.

En 1847, on est donc au tout début de la pratique de l'anesthésie générale en chirurgie. La gravité d'un cas d'amputation poussa Rey à essayer cette méthode : la malade, Jeanne Fréry, âgée de 40 ans, avait eu l'avant-bras déchiqueté et brisé par deux chiens de garde de grande taille et la gangrène rendit l'amputation nécessaire. Le chirurgien de l'hôtel-Dieu, le docteur Briard, ancien chirurgien militaire, pratiqua l'amputation pendant que le docteur Rey faisait l'anesthésie à l'éther. La malade survécut. Cette " première ", dont un compte rendu rédigé par le docteur Rey fut publié dans le Journal de Montbrison (20 mars 1847) assura sa réputation :

" Cent vingt grammes d'éther sulfurique furent introduits dans un ballon de verre dont la large ouverture devait être fermée par un bouchon traversé de deux tubes, l'un de verre à l'aide duquel l'air extérieur pouvait s'introduire dans la capacité du vase, l'autre flexible en caoutchouc qui devait servir aux inspirations. Nous introduisîmes l'un des tubes dans la bouche de la malade et nous l'engageâmes à aspirer les vapeurs dont l'un de nous favorisait le dégagement en réchauffant le flacon dans ses mains pendant qu'un autre maintenait les narines rapprochées.

Au bout de quelques minutes, cette femme […] ne sentait plus les pincements les plus énergiques ; ses paupières s'affaissèrent, la respiration devint profonde et le pouls se ralentit sensiblement. C'est alors que l'amputation du bras fut pratiquée d'après la méthode dite circulaire par le docteur Briard, en présence des médecins de l'hôpital, de M. B., médecin aide-major au 66e de ligne et du docteur D., médecin distingué de Saint-Etienne.

Pendant toute la durée de cette horrible mutilation ordinairement accompagnée d'horribles souffrances, la demoiselle Fréry n'a pas fait entendre un seul gémissement, n'a pas tenté le plus léger mouvement pour se soustraire au contact galvanique de l'acier qui divisait ses chairs à huit centimètres au-dessus de la portion envahie par la gangrène.

Elle paraissait dormir d'un sommeil profond qui ne cessa que lorsque le pansement était sur le point d'être achevé.

Sur la demande : " avez-vous bien souffert ? "

Elle répondit : " je ne sens rien. Dieu vous récompense Messieurs de la peine que je vous vois prendre pour moi. "

La conclusion du docteur Rey est modeste : " Nous ne prétendons pas - écrit-il - attacher à ce fait [la réussite de l'anesthésie] toute l'importance que des personnes étrangères à l'art médical pourraient y trouver. " Il est vrai que le docteur Rey sait que beaucoup de médecins sont encore sceptiques quant à l'anesthésie - et parmi eux certains de ses maîtres lyonnais. Il sait aussi que, lors de tentatives qui ont été faites, il y a eu des incidents, voire des accidents. Il faut être prudent.

Il cherche une autre explication : " Le sujet de cette observation [était] une pauvre fille peu intelligente et dont la sensibilité probablement obtuse à l'état normal a peut-être subi un effet […] d'engourdissement notable par suite de la commotion cérébrale qui a dû résulter de ses nombreuses chutes " [au moment de l'attaque des chiens].

L'explication par la faible intelligence supposée de la patiente - en somme, " une pauvre fille de la campagne " qui éprouve moins la douleur - est en tout cas assez étonnante.

En fait, le docteur Rey sent bien qu'il vient de participer   à une étape très importante de la médecine : " Le souvenir de cette opération silencieuse et dans laquelle l'impassibilité de la victime contrastait d'une façon si étrange avec les hurlements et les efforts des malheureux que nous nous souvenions avoir vus sous le couteau du chirurgien […] restera longtemps gravé dans la pensée de ceux qui en ont été les témoins. Il restera surtout comme le point de départ d'une voie nouvelle, inconnue, dans laquelle la médecine trouvera matière à soulager l'humanité souffrante. (21)" L'émotion l'emporte et s'exprime ici avec lyrisme.

Lauréat de l'académie de médecine de Bruxelles

Le docteur Rey avait gardé de ses études le goût de continuer à s'instruire et de mettre à jour ses connaissances. Le docteur Dulac dit de lui :

" Toutes ces occupations multiples devenaient pour notre confrère l'occasion de travailler sans cesse et d'étudier toujours. En 1850, l'Académie royale de Belgique met au concours la question suivante : quelle influence les sciences chimiques et physiques ont-elles exercée sur la connaissance de la nature intime des maladies ? (22)"

Eugène Rey envoya un mémoire (23) qui fut récompensé par une médaille de vermeil et par la publication de son texte dans les Mémoires de l'Académie. Bien sûr, il y a dans le texte du docteur Rey un côté dissertation qui est un peu convenu. Mais il nous donne aussi de précieux renseignements sur l'état des connaissances de son auteur ainsi que sur sa conception de la médecine au point de vue scientifique.

De sa province, le docteur Rey suit, avec attention, les progrès de la médecine et de la science. Il comprend l'intérêt du microscope et, surtout, est capable de l'utiliser : il écrit dans son mémoire : " l'usage personnel que nous en faisons depuis longtemps (24)". Il pratique, l'un des premiers en province, l'anesthésie à l'éther. Il croit aux progrès des sciences et comprend qu'une ère nouvelle est en train de commencer pour la médecine : " l'art de guérir a commencé sa régénération " pour entrer " dans un positivisme absolu " en " quittant la voie trompeuse des systèmes (25)." Et il appelle de ses vœux " l'avènement de cet âge glorieux pour la médecine dans lequel il n'y aura plus qu'une doctrine, qu'une croyance, qui reposeront sur des faits religieusement observés et démontrés (26)" . Nous ne sommes pas loin de la méthode expérimentale et de Claude Bernard qui, en 1865,  écrit dans l'Introduction à la médecine expérimentale :   " La vérité unique dont la recherche est le but de la science ne sera atteint que par une pénétration réciproque de toutes les sciences. "

Il est ainsi passionnant de voir comment un médecin de province, au milieu du XIXe siècle, se tient informé des progrès de la science, discute les théories, s'enthousiasme des progrès qui sont faits. A travers l'exemple du docteur Rey, nous voyons quelle extraordinaire évolution de la médecine s'est produite au XIXe siècle et nous comprenons que ces progrès ont pu se faire parce que, " sur le terrain ", il y avait des hommes prêts à les accueillir.

L'hygiéniste, membre de la Société d'agriculture de Montbrison

Devenu médecin de la ferme-école de la Corée (27), le docteur Rey s'intéressa aux problèmes de l'agriculture forézienne et devint, vers 1845, membre de la Société d'agriculture de Montbrison dont il fit partie pendant une vingtaine d'années (28). Cette Société d'Agriculture avait été fondée en 1818 et rassemblait les grands propriétaires de l'arrondissement mais aussi des notables montbrisonnais, soucieux de développement économique et passionnés d'agronomie. Elle publia, dans un but pédagogique, de nombreuses brochures et, à partir de 1847, La Feuille du cultivateur forézien. Dès le n° 1, le docteur Rey donna un article sur " L'hygiène du cultivateur "(29) qui eut une suite dans les numéros suivants.

L'auteur rappelait d'abord l'importance des " fièvres paludéennes " qui conduisent de nombreux malades à l'hôpital de Montbrison aux saisons intermédiaires du printemps et de l'automne. Il mettait surtout en cause " l'imprudente et coupable résignation du cultivateur à l'action meurtrière du fléau " (30) et le manque d'hygiène. Certes, le drainage et l'irrigation de la plaine et les plantations d'arbres sont la véritable solution à long terme (31). Mais, en attendant que ces transformations soient faites, l'hygiène et l'application de ses principes permettent " d'atténuer les effets pernicieux d'un air vicié par les miasmes paludéens (32)".

Le docteur Rey prodiguait d'abord des conseils concernant l'hygiène de l'habitat : les maisons devront être construites en brique (" moins humides que le pisé "), établies sur un point élevé, orientées au nord et éloignées des étangs. Le sol de la demeure devra " être sec et uniforme " et les maisons ouvertes de façon à laisser pénétrer " l'air et la lumière " (33). Les fumiers devront être éloignés des habitations.

L'hygiène personnelle : les habitants devront prendre des habitudes de propreté : " Attention aux soins personnels " (34) en faisant la toilette en " usant d'une eau pure et légèrement vinaigrée "(35) . Il faut se changer, mettre des chemises de laine.

L'alimentation : le cultivateur effectue des travaux pénibles ; il doit avoir une " alimentation réparatrice ", alors que celle-ci est généralement " peu variée et peu soignée " (36). Il faut manger du pain de ménage qui associe blé et seigle, du bouillon de viande - il y a, dans l'article du docteur Rey, un paragraphe lyrique sur les bienfaits du pot-au-feu -, de la viande de bœuf et de mouton ; de la viande salée de porc (mais attention aux épizooties qui le frappent) ; des œufs et du lait ; des pommes de terre, " providence des laboureurs ", " de l'eau de source limpide, légère, fraîche " ; il faut " filtrer l'eau douteuse et éventuellement l'additionner de vin comme moyen prophylactique ".

Cette " régénération " de l'agriculteur devra aussi être morale et passer par le développement de l'instruction élémentaire, moyen de faire pénétrer ces principes chez les habitants de la plaine.

Texte intéressant. D'une part, il nous donne, en contrepoint, un état de la situation des paysans de la plaine de Forez (37) : les fièvres, le manque d'hygiène, la pauvreté des habitations, la médiocrité de la nourriture. D'autre part, il présente le point de vue de l'hygiéniste, volontiers sentencieux et moralisateur, désireux d'apporter les bienfaits de la médecine et de l'hygiène à des populations que les contemporains ont souvent décrites comme victimes d'une grande misère matérielle et morale...

II. Un homme dans la cité : le maire de Montbrison
Le conseiller municipal

Dès 1848, le docteur Rey est élu conseiller municipal de Montbrison. Sa carrière politique fut exclusivement municipale. Il ne brigua jamais aucun autre mandat public. En 1848, il est élu sur la liste conservatrice présentée par Bouvier contre les républicains de Laurent Chavassieu. Ses sympathies le portent progressivement vers le bonapartisme. Son enfance avait été bercée par les récits des guerres de la Révolution et de l'Empire ; en 1851, la municipalité dans laquelle il est adjoint au maire, approuve le coup d'Etat du prince-président Louis-Napoléon Bonaparte. Il apprécie les idées " modernistes " de l'empereur. En 1869, il est nommé maire de Montbrison par le préfet.

De 1852 à 1867, le docteur Rey est conseiller municipal pendant les municipalités de Léon de Saint-Pulgent et de Majoux. Il est un conseiller consciencieux et assidu, " l'un des plus écoutés des assemblées municipales (38)" . Montbrison se transforme. De nombreuses opérations de voirie et d'urbanisme sont entreprises : percement de l'actuelle rue Francisque-Reymond, construction de la " Route nouvelle " (l'actuelle avenue d'Allard), reconstruction du pont de l'hôpital, aménagement du quai Saint-Louis, arrivée du chemin de fer, restauration de la Diana, construction de la halle aux blés. L'installation de bornes-fontaines et l'organisation du ramassage des boues représentaient un progrès considérable au point du vue de l'hygiène et le docteur Rey est souvent rapporteur de ces mesures (39).

Le docteur Rey, maire de Montbrison : une situation financière difficile

Le 20 mars 1869, un décret impérial nomme le docteur Eugène Rey maire de Montbrison (40) en remplacement de M. Majoux. En fait, le docteur Rey a été appelé au fauteuil de maire dans une période de crise. La démission de M. Majoux correspond à une disgrâce : son caractère autoritaire était de plus en plus critiqué et on lui reprochait aussi d'avoir mis en péril les finances de la ville par des dépenses excessives. Le docteur Rey, adjoint depuis 1867, était en conflit avec le maire. En prenant ses nouvelles fonctions, le docteur Rey déclare :

" Je ne me dissimule pas les difficultés que me préparent les conditions défavorables où se trouve, vous le savez, notre situation financière. Je ne veux pas rechercher les circonstances qui ont fait naître cette situation regrettable. Mais si le désir ardent d'opposer à ces difficultés une surveillance et une régularité intéressantes [...] sont capables de les aplanir, j'espère remplir le mandat qui m'est aujourd'hui confié de manière à mériter l'approbation de mes concitoyens ".

Plus loin, le nouveau maire expose dans quel esprit il entend remplir son mandat :

" Je suis résolu à m'abstenir, en dehors des attributions spécialement dévolues au maire, de toute opération qui n'aurait pas reçu la sanction préalable de vos votes. Enfin je regarderais comme un de mes premiers devoirs d'accueillir avec la plus grande cordialité toute proposition qui pourra m'être faite [...] Economie, ordre, confiance mutuelle, ces trois mots résument les espérances que j'apporte."
Economie dans les finances publiques et consultation promise et même souhaitée du conseil municipal : le message était clair ainsi que les reproches implicitement faits au maire précédent. Le docteur Rey était décidé à aller vite : dès le 7 avril, il présenta devant le conseil municipal un état de la dette qui s'élevait à 193 000 F, ce qui était supérieur à un budget annuel (152 000 F en 1867). Une commission était nommée pour " vérifier les calculs ".

Le redressement de la situation

Face à cette situation, le maire agit avec finesse, habileté et détermination. Il avait dans son conseil municipal deux oppositions ; celle des royalistes, conduite par le vicomte de Meaux et celle des républicains qu'animait Georges Levet. Il leur confia le rapport des commissions et tint compte de leurs avis.

L'opposition royaliste avait réclamé "un contrôle plus strict du conseil municipal sur les décisions de l'exécutif : le conseil municipal se réunit - fait exceptionnel - pendant plusieurs jours consécutifs ; il siégea même toute la journée du 9 juin.

L'opposition républicaine avait conseillé " de ne voter que les dépenses indispensables ", d'autant que l'on avait commencé " à empiéter sur les crédits de l'exercice suivant ". On prit alors des mesures de restriction des dépenses dont les travaux prévus au petit séminaire firent les frais et l'on réclama vigoureusement une participation plus importante du diocèse. Elle fut finalement obtenue, après la venue à Montbrison du vicaire général, M. Richoud (41). Surtout, on augmenta très fortement les impôts - comment faire autrement ? - et l'on décida de maintenir l'octroi qui représentait 45 % des recettes de la commune alors que, pourtant, une consultation nationale était en cours au sujet de sa suppression éventuelle : l'empereur, très favorable au libéralisme, était hostile à ces douanes intérieures, considérées comme une entrave au commerce.

Des investissements purent cependant être décidés et engagés. Travaux à l'hôtel-Dieu : carrelage des salles et construction d'une conduite d'eau spéciale entre la prise d'eau de Beauregard et l'hôpital. Travaux d'hygiène : curage et réparation du béal comtal ; établissement d'une prise d'eau sur le Vizézy, en amont de Montbrison, pour améliorer l'alimentation des fontaines publiques ; curage des " rues latrinales ". On trouvait, naturellement, dans ce programme, la marque personnelle de l'hygiéniste qui siégeait à la mairie.

La guerre


En juillet 1870, éclate la guerre avec la Prusse. L'écho des événements nationaux apparaît d'abord peu dans les délibérations du conseil municipal : on est, en fait, tout occupé par le renouvellement du conseil municipal qui a lieu, comme prévu et malgré la déclaration de guerre, les 7 et 14 août 1870. Les oppositions progressent : plusieurs royalistes sont élus dont le vicomte de Meaux, 5e sur 23. Emile Dulac et Francisque Reymond, tous deux républicains, sont réélus en tête du scrutin (1er et 2e). Jean-Baptiste Chavassieu qui est le véritable chef du parti républicain entre au conseil municipal, élu au 11e rang. Le conseil s'installe le 1er septembre et le docteur Rey, nommé à nouveau maire, prête serment de fidélité à l'empereur : pour trois jours ! Le 4, en effet, la nouvelle du désastre de Sedan provoque à Paris la chute du régime et la proclamation de la République.

Le 5 septembre 1870, le docteur Rey est retenu à Saint-Etienne par les opérations du conseil de révision. Le conseil municipal est réuni sous la présidence de M. Colmet, son adjoint, lorsque le sous-préfet, M. Blanc, arrive en pleine réunion pour annoncer les nouvelles qui viennent d'arriver : la déchéance de la dynastie impériale a été votée par le Corps législatif, la République a été proclamée. Un gouvernement de la Défense nationale a été formé.

Une commission municipale de cinq membres est élue sur le champ pour assister le maire et son adjoint : Emile Dulac, Georges Levet, Francisque Reymond, Jean-Baptiste Chavassieu et Avril, tous républicains, sont élus, ce qui signifie que le docteur Rey est, de fait, mis en tutelle (42). Le républicain César Bertholon a été nommé préfet. Dès le 27 septembre, il remplace le docteur Rey par Jean-Baptiste Chavassieu (43), avec mission donnée à celui-ci de donner un nouvel élan à la défense nationale.

La fin de la carrière politique du docteur Rey

Le docteur Rey est, certes, réélu en 1871 comme conseiller municipal - ce qui mettra un peu de baume sur ses blessures - et siège au conseil jusqu'en 1875. Mais son rôle est terminé. Il s'efface avec discrétion et n'interviendra guère, désormais, dans les débats du conseil, tout en restant très assidu à ses séances. La chute de Napoléon III avait mis fin à sa carrière politique.

En 1877, il vit cependant reconnaître ses mérites. Le maréchal de Mac-Mahon, président de la République, vint à Montbrison, sous le prétexte de présider près de Boën à des manœuvres militaires, en réalité pour appuyer les candidats conservateurs à l'Assemblée nationale - qu'il venait de dissoudre. Lors de son passage à Montbrison, il remit personnellement au docteur Rey la croix de chevalier de la Légion d'honneur.

III. Le docteur Rey homme de lettres, historien et érudit

L'érudit et l'historien

Le docteur Rey fut de la grande tradition des médecins érudits du XIXe siècle. Il aimait aussi faire connaître ce qu'il savait et avait le goût de la bonne vulgarisation. Ainsi Eugène Rey fut-il, pendant plus de quarante ans, un collaborateur régulier du Journal de Montbrison, que dirigeait Michel Bernard (44). Il donna de nombreux articles qui étaient ensuite repris en brochures : articles de médecine, bien sûr, mais aussi de géologie, de météorologie et d'histoire locale. A des années de distance, il reprenait les mêmes sujets pour les approfondir. Ce qui nous donne l'image d'un esprit encyclopédique.

Les transformations de l'église Notre-Dame furent l'un de ses sujets de prédilection. L'installation de l'orgue de Callinet, " admirable instrument dont notre église venait d'être dotée (45)" ainsi que la construction de la tribune de pierre qui le supporte (1842) furent l'occasion d'articles remarqués. Le docteur Rey confesse avoir suivi " d'un regard impatient le ciseau trop lent à (son) gré des sculpteurs (46)" de la tribune d'orgue. Près de cinquante ans plus tard, il présentait la nouvelle chaire sculptée de l'église Notre-Dame (47) que le curé Claude Peurière venait de faire installer...

En 1851, il fit des conférences publiques à l'hôtel-de-ville sur la géologie : " nous avons étudié autant qu'il nous était possible cette grande question de la genèse terrestre (48)". En 1892, un tremblement de terre se manifeste à Montbrison " par des trépidations inoffensives et de peu de durée (49)". C'est aussitôt l'occasion pour le docteur Rey de replacer cet événement dans son contexte géologique et historique : et l'auteur de rappeler que la terre a déjà tremblé à Montbrison les 2 et 16 avril 1808, le 25 décembre 1825 " pendant la messe de minuit " et le 9 octobre 1833. Précieuses indications que donne l'annaliste qui a fouillé dans ses fiches...

Membre fondateur de la Diana

Passionné par l'histoire de sa ville, le docteur Rey fit partie des membres fondateurs de notre société. Le 29 août 1862, le duc de Persigny, président du conseil général de la Loire et ancien ministre de l'Intérieur, prend place dans la salle de la cour d'assises du palais de Justice de Montbrison pour accueillir ses invités, ceux qui ont accepté de faire partie de l'assemblée constitutive de la Diana, société historique et archéologique du Forez. Il est entouré du comte de Charpin-Feugerolles, et de M. Majoux, maire de Montbrison. Il y a 147 présents sur les 233 premiers membres de la Diana. Le docteur Rey est là, en compagnie de plusieurs autres membres du conseil municipal et de ses amis, le libraire Michel Bernard, l'abbé Crozet, ancien curé de Notre-Dame, l'historien Régis de Chantelauze, Souchon du Chevalard, président de la Société d'agriculture de Montbrison.
Après les discours d'usage, le duc de Persigny fit adopter les statuts de la nouvelle société historique : ce fut le début d'une grande aventure historique, qui dure encore. Rey sera un membre discret mais fidèle et assidu de la Diana. Son étude sur Notre-Dame attirera en 1885 l'attention de ses amis de la Diana.

L'historien : la monographie de Notre-Dame

En 1885, le docteur Rey publia, chez son ami le libraire Lafond, une Monographie historique et descriptive de Notre-Dame d'Espérance de Montbrison, ouvrage " tiré à un petit nombre d'exemplaires ", dans une belle édition illustrée. Elle était dédiée à son ami, le chevalier Puy-du-Rozeil qui avait fait don à l'église Notre-Dame de la belle chaire sculptée qui est encore en place. Certes, il y avait eu, en 1847, l'ouvrage de l'abbé Renon (50), vicaire de Notre-Dame, qui restait, et reste irremplaçable. Mais le docteur Rey souhaitait donner à l'histoire de l'église Notre-Dame " un relief nouveau et attrayant " et " étudier les restaurations dont notre vieille église a été et est encore l'objet (51)" .

Eugène Rey étudiait d'abord, dans une première partie, l'histoire de la collégiale, souvent élargie à celle de Montbrison dont elle est le cœur. Les chapitres consacrés au XVIe siècle sont particulièrement intéressants et racontent l'affaire du connétable de Bourbon, la venue du roi François Ier à Montbrison, le sac de la ville et de Notre-Dame par le baron des Adrets. Le lecteur trouvait aussi une bonne histoire de la collégiale sous l'Ancien Régime.

Une deuxième partie (chapitres VII à X) étudiait les restaurations faites depuis le Concordat : la construction et l'installation des orgues et de leur tribune en 1842, les vitraux, les tableaux, la rénovation des chapelles. C'était là une partie neuve et utile car elle n'avait pas été traitée par Renon dont l'ouvrage avait été publié trente-sept ans auparavant. Le livre du docteur Rey était alerte et vivant et n'oubliait pas d'évoquer les hommes : l'abbé Populus, premier curé concordataire de l'église, " pauvre à cause des pauvres (52)" , l'organiste Emile Lachmann, Charles Laurent Maréchal, l'auteur de nombreux vitraux de la collégiale...

Enfin, le docteur Rey réservait un ultime chapitre à ses Desiterata, c'est-à-dire aux propositions qu'il faisait pour la poursuite de la restauration de l'église. Elles sont bien révélatrices du goût de l'époque : il préconisait la mise en place d'une galerie à jours au- dessus du portail, d'un gâble triangulaire à la place du fronton semi-circulaire ainsi que l'achèvement de la tour sud par l'adjonction d'une flèche : propositions qui restèrent à l'état de projets. Il réclamait aussi la reconstruction de la chapelle Saint-Aubrin et l'établissement d'un baptistère qui fut construit peu de temps après.

Dans sa conclusion, le docteur Rey évoquait le rôle de l'Eglise parmi les hommes - " grande consolatrice " et " emblème de la patrie (53)" - et la place de Notre-Dame d'Espérance dans la cité :

" En survivant aux ravages des invasions étrangères (54), aux dévastations furieuses de l'hérésie (55), aux orgies de l'athéisme révolutionnaire (56), Notre-Dame d'Espérance a prouvé qu'elle avait sa part de la promesse divine. Soyons donc assurés qu'en vertu de cette promesse, elle restera inébranlable et toujours vénérée sur le sol forézien qui la porte depuis sept cents ans (57)."

Texte caractéristique des attitudes religieuses et même politiques du docteur Rey. Elles sont bien représentatives du milieu de la bourgeoisie catholique à une époque marquée des grandes luttes religieuses de la IIIe République...

Le philosophe : L'idée de Dieu et la science contemporaine

Homme de science et catholique, le docteur Rey voulut présenter ses propres idées sur l'existence de Dieu et montrer que ses croyances n'étaient pas incompatibles avec la science (58) : vieux problème qui était l'objet d'âpres débats dans une époque marquée par les luttes philosophiques et religieuses de la IIIe République. Il publia, en 1893, L'idée de Dieu et la science contemporaine (59), prenant la parole, lui, " inconnu et sans autorité dans le monde des savants et des lettrés " au nom du " droit de tout chrétien, de tout homme de cœur, de combattre l'erreur quand elle est manifeste " pour conjurer un péril non seulement religieux mais aussi moral et social (60). Notre époque, écrit le docteur Rey n'est- elle pas celle du déclin et de " toutes les défaillances (61)" ? L'affirmation est récurrente, à cette époque, chez les catholiques.

Dans une première partie, le docteur Rey évoquait et citait les philosophes qui ont cru en Dieu et réservait ses flèches à Ernest Renan, qualifié de " philosophe du peut-être et des à-peu-près (62)" . Puis, dans une seconde partie, il essayait de montrer que la Bible n'était pas incompatible avec les nouvelles découvertes de la science et que celle-ci permettait même d'affirmer l'existence de l'âme. Il citait Claude Bernard qui avait expliqué que le corps matériel de l'homme se renouvelait complètement en seulement huit années. " Le cerveau aussi et pourtant votre mémoire a gardé son dépôt. C'est donc qu'il y a […] quelque chose d'immatériel, de permanent, de toujours présent, d'indépendant de la matière. Eh, bien ! ce quelque chose c'est l'Ame (63)."

L'écrivain : les Historiettes Foréziennes

En 1896 et 1897, à la fin de sa vie, le docteur Rey publia, sans nom d'auteur - mais chacun alors le reconnaissait et il ne se dissimulait guère - ses Historiettes foréziennes et vieux souvenirs. Extrait des Mémoires d'un Montbrisonnais. L'ouvrage fut publié en deux volumes, édité par le libraire montbrisonnais Emile Faure. Le docteur Rey révèle dans cet ouvrage d'incontestables talents de conteur. La fraîcheur de ses souvenirs, sa sensibilité et son humour, l'intérêt qu'ils présentent pour l'histoire de Montbrison nous ont fait particulièrement aimer ces Historiettes. Eugène Rey sait, en effet, camper un personnage, évoquer une scène, analyser une situation, captiver son lecteur.

Ce lecteur n'oubliera pas l'instituteur Grégoire Baune et son duel avec un grognard de l'Empire ; Régis de Chantelauze, " un bénédictin montbrisonnais ", perdu dans la poussière de ses archives ; le père Labugne, pâtissier de la rue Saint-Jean et grand collectionneur ; M. Fleurant, apothicaire de la rue des Arches, " pilant consciencieusement sa rhubarbe et son quinquina " ou le comte Gustave de Damas, devenu officier de l'armée du Shah de Perse et parcourant la rue Tupinerie avec un cimeterre " qui frottait le pavé " : extraordinaire galerie de portraits de Montbrisonnais connus ou inconnus...

Le docteur Rey racontait aussi ses souvenirs de voyage, en Suisse ou aux Pays-Bas, savait évoquer les flonflons de la Saint-Aubrin, la naïveté de M. d'Allard collectionneur et même quelques faits divers comme " l'enlèvement " - qui n'en n'était pas un - de Casimir, le fils du directeur de la ferme-école de la Corée.

Les Dianistes apprécieront particulièrement le récit intitulé " Sel, poivre et compagnie " qui nous raconte la longue concurrence qui oppose deux épiciers montbrisonnais et la " défaite " finale de M. Chapuis, capitaine en retraite. C'est lui qui possédait alors la salle de la Diana (64) :

" Pour abriter sa récolte, il avait acheté à vil prix une maison située au chevet de l'église Notre-Dame dont le rez-de-chaussée servait de dépôt aux caisses à savon, chandelles, pruneaux, barils de morue sèche et de harengs saurs détaillés dans son magasin [...]. La partie supérieure, séparée de cette succursale de l'épicerie par un solide plancher, était occupée jusqu'au comble par le foin entassé. Or ce comble n'était rien moins que le plafond de la salle actuelle de la Diana, dégradé et noirci par le temps. M. Chapuis qui montait régulièrement deux fois par semaine dans ce qu'il appelait sa soupente pour inspecter son stock de fourrage et parer aux dangers d'incendie, n'avait jamais regardé avec attention le magnifique et rare spécimen de l'art héraldique dont il se trouvait possesseur. N'en comprenant pas la valeur, il ne se gênait pas, quand il fallait retourner les bottes, pour planter vigoureusement les pointes de sa fourche dans le blason de la belle Diane de Chateaumorand ou celui d'un comte de Forez . (65)"

IV. Les dernières années

Les dernières années du docteur Rey furent à la fois marquées par l'amertume d'une fin de carrière un peu difficile et les douleurs provoquées par la mort de ses deux fils, mais aussi par les joies de l'écriture et la sérénité que sa foi donna à la fin de sa vie.

L'amertume du vieux médecin


La carrière de médecin du docteur Rey fut très longue, sans doute trop longue. Les dernières années de sa carrière sont vécues sur le mode de l'amertume et de la plainte.

En 1877, le docteur Rey qui avait 66 ans et était, depuis 41 ans, médecin de l'hôpital, réduisit ses activités, ne garda que ses consultations à son cabinet et renonça à courir " la campagne à toute heure du jour et de la nuit ". Il quitta sa grande maison du quai des Eaux-minérales, " devenue trop grande pour lui " et s'installa au n° 2 de la rue Notre-Dame, à l'ombre de la collégiale.

Le docteur Rey restait cependant médecin de l'hôtel-Dieu ; mais les moyens matériels manquaient, les bâtiments étaient vétustes et humides et, en 1879, le docteur Rey et ses confrères demandent encore - 32 ans après l'anesthésie de 1847 ! - la création à l'hôpital d'une véritable salle d'opération et l'achat d'un matériel chirurgical plus moderne : " Actuellement - écrivent-ils - on est obligé d'opérer dans les salles, sous les yeux des autres malades (66). " Si une salle d'opération était aménagée, on pourrait avoir " une armoire où seraient classés les instruments de chirurgie actuellement ensevelis dans une caisse où il faut tout bouleverser pour trouver ce que l'on cherche (67)" . Quant aux médecins, ils sont obligés d'apporter à l'hôpital les " appareils à fracture " dont ils ont besoin. Trois ans plus tard, les médecins de l'hôtel-Dieu réclament encore - en vain - " l'installation d'une petite chambre ou tout au moins d'un compartiment séparé qui serait exclusivement réservé à la pratique d'opérations chirurgicales (68) " .

Le docteur Rey est gagné par l'amertume. Il se prononce en 1880 contre une réorganisation de la pharmacie de l'hôpital : " ce ne serait vraiment pas la peine de réformer le service de pharmacie pour voir nos pilules escamotées dans un coin de la bouche pour être, lorsque la religieuse qui les a fait prendre s'éloigne, crachées dans le vase de nuit (69)" . Il apparaît comme très désabusé et maugrée contre la nouvelle mentalité des malades qui " veulent déterminer le mode de traitement " et qui " dans la salle des femmes où le service est partagé, veulent se réserver le choix de leur médecin (70)" . Le docteur Rey partageait en effet le service avec le docteur Rigodon (71), alors âgé de 32 ans et qui devait attirer une partie de la clientèle. Le vieux docteur Rey qui avait été à l'avant-garde, était dépassé par les nouvelles connaissances de ses jeunes confrères et s'en rendait compte. Il continua cependant à travailler à l'hôpital jusqu'en 1894 et ne prit sa retraite qu'à 83 ans. En 1887 - il a 76 ans - il avait encore opéré et guéri une femme atteinte d'une hernie étranglée mais le docteur Dulac note " que sa main tremblait un peu (72) " . A la retraite, il allait encore souvent à l'hôpital rendre visite aux religieuses qui assuraient le service infirmier. Il n'y avait pas loin de sa maison de la rue Notre-Dame jusqu'à l'hôtel-Dieu où ses pas le portaient presque naturellement.

A la fin de sa vie, dans un texte doux-amer des Historiettes Foréziennes, le docteur Rey fait ainsi ses adieux à ses vieux livres de médecine (73) que l'évolution de la science avait rendu caducs :

" Le coup d'état de Pasteur sur les prétendues générations spontanées, la révélation d'un monde d'infiniment petits êtres vivants, les mystérieux effets de certains sérums, tous ces faits étranges sont venus presque subitement battre en brèche la science médicale jusqu'alors renfermée dans ces gros livres qui, après m'avoir coûté bien cher se trouvent maintenant et tout à coup ne m'avoir presque rien appris […]. Et voilà qu'un microbe, un bacille, une bactérie (le nom ne change rien aux résultats) se dresse un beau jour insolemment sur la pellicule d'un bouillon refroidi et leur dit à tous [aux vieux livres de médecine] : vous n'êtes que des ânes et n'y entendez rien, vos théories sur le froid, le chaud, le sec, l'humide, le pléthore et l'anémie et autres turlutaines [...] ne sont que billevesées (74). "

Deuils

Des malheurs privés l'atteignirent brutalement : son fils Antoine qui était avoué près du tribunal civil et avait repris la charge de son grand-père Louis Favrot, mourut prématurément en 1881, âgé de 38 ans ; le fils aîné, Lucien, mourut, lui, en 1885, la femme du docteur Rey, Catherine Favrot, en 1892. Le docteur Rey semble avoir supporté ces malheurs avec beaucoup de stoïcisme : sa foi, qu'il manifeste désormais plus ouvertement dans ses écrits, l'aide à supporter ces épreuves.

Le mariage et le départ de Valentine

Il ne restait au docteur Rey qu'une fille, Valentine : en 1888, elle épousa le capitaine Charles Antoine Chavassieux, un Montbrisonnais, fils de Jacques Chavassieux (1815-1879), qui avait été professeur à l'école normale puis inspecteur primaire, et de Jeanne Attendu. C'était un officier plein d'avenir qui, sorti du rang, avait fait la guerre de 1870-1871 et s'était illustré dans la campagne de Kabylie en 1872-1873. Mais, en se mariant, Valentine Rey quittait Montbrison pour rejoindre son mari en garnison à Saint-Mihiel ; elle le suivit ensuite en Indochine où il fut affecté de 1888 à 1894. Le frère aîné de Charles, Léon Chavassieux, faisait une grande carrière coloniale : administrateur des affaires indigènes, chef de cabinet du gouverneur général de l'Indochine, secrétaire général de la Cochinchine. Il fit venir ses deux frères en Indochine, l'un comme officier - le gendre du docteur Rey -, l'autre - Louis Chavassieux - comme ingénieur des Travaux publics à Hanoï.

Charles Chavassieux participa aux opérations de pacification et d'administration de l'Annam (1889) puis du Cambodge (1894). De multiples décorations récompensèrent le capitaine Chavassieux : chevalier de la Légion d'honneur (1889), officier du Dragon d'Annam (1889), officier de l'Ordre royal du Cambodge (1894).

Le docteur Rey éprouva vivement le chagrin de la séparation d'avec sa fille. Il était désormais seul à Montbrison.

Fin d'une vie

Le docteur Rey passa les dernières années de sa vie dans sa maison de la rue Notre-Dame. Il continuait à écrire et rédigeait ses Mémoires. Il s'occupait de son petit jardin de ville : il était, en effet, écrit Claudius Roux, "botaniste et ami des fleurs, qu'il cultivait lui-même (75)": presque une image d'Epinal.

Valentine Rey pensait à son père, resté seul à Montbrison. En 1895, le capitaine Chavassieux revint en métropole et obtint sa nomination à Montbrison, comme capitaine trésorier au 16e Régiment de ligne, mais, la même année, dut s'éloigner à nouveau pour monter en grade et devenir chef de bataillon au 59e régiment d'infanterie. Le retour de ses enfants en France fut une grande consolation pour le vieux médecin.

En 1897, son gendre et sa fille prirent leur retraite à Montbrison. Le docteur Rey, très âgé, s'installa chez eux où il passa les derniers mois de sa vie. Il se préparait à la mort : " Notre confrère - dit le docteur Dulac - vit venir la mort sans crainte " ; il " puisait sa résignation dans l'espoir d'aller retrouver ceux qu'il avait tant aimés, sa femme et ses enfants (76)" . Lorsqu'il sentit venir la fin, il fit venir tous ses confrères médecins pour leur faire ses adieux : " Quand nous fûmes près de son lit - écrit le docteur Dulac - il nous remercia des égards que nous avions eus pour lui et nous demanda pardon si, par hasard, il avait pu nous blesser bien involontairement (77) ".

Le docteur Rey restait jusqu'au bout fidèle à ses convictions religieuses affirmées jusque dans le rituel de sa propre mort : dévotion et exemplarité de la " bonne mort ", telle que l'a codifiée le XVIIe siècle de la Contre-Réforme, véritable " cérémonie des adieux ", avec l'invocation du Notre Père - " Pardonnez-nous nos offenses " reprise ici face à ceux qui auraient pu être offensés. La mort est ainsi l'aboutissement de toute une vie. Elle doit être édifiante pour les autres. On s'est préparé à l'affronter (78). On mesure, évidemment, les changements de mentalités qui se sont produits depuis un siècle....


La traversée du siècle

La vie du docteur Rey a traversé le XIXe siècle. Elle est intimement liée à l'histoire de la Cité où presque toute son existence - sauf les années d'études - se déroule. Elle nous a permis d'esquisser le portrait d'un notable.

Médecin, le docteur Rey soigne en ville et à l'hôpital et court aussi la campagne : il gagne l'estime et l'affection de ses compatriotes par sa compétence par son dévouement. Conseiller municipal, adjoint au maire, maire de la ville, il a été constamment réélu par ses concitoyens pendant vingt-sept ans : sans, il est vrai, avoir le temps de donner complètement sa mesure comme premier magistrat de la cité - il est maire pendant un an seulement - et sans manifester les fortes convictions qui assurent la fidélité d'une famille politique. Il représente aussi le type même du médecin érudit, passionné par l'histoire mais aussi par les sciences. Il est enfin un notable conservateur et catholique, stoïque dans les épreuves qui ne lui ont pas manqué. L'âge lui a donné le sentiment que l'époque de sa vieillesse est aussi celle du déclin de son pays : en cela aussi, il est bien de son temps et peut-être de tous les temps : " l'âge d'or " est toujours derrière nous… Mais, au-delà de quelques paroles d'amertume, le docteur Rey a toujours été soucieux du bien public, prêt à exercer son devoir social et même, ce qui est plus rare, à reconnaître ses fautes.

Cette existence qui, se déroulant presque tout entière dans le cadre d'une petite ville de province, pourrait paraître étriquée, se sauve de l'ordinaire des choses et des jours par le goût de la science et la passion de l'écriture. C'est le goût de la science qui donne au jeune médecin l'audace thérapeutique de tenter l'une des premières anesthésies pratiquées en France ; c'est la passion de l'écriture qui pousse le vieil homme à laisser une trace parmi les hommes par son livre sur Notre-Dame et ses Historiettes Foréziennes.

Montbrison avait oublié le docteur Rey. Il aimait sa ville. Il aimait ses malades qu'il a soignés et souvent guéris. Nous sommes heureux d'avoir rappelé la longue vie et l'œuvre de ce vieux médecin de province. Son nom mériterait sans doute d'être donné à l'une des rues de la cité.

 

Village de Forez, bulletin d'histoire locale du Montbrisonnais

Supplément au n° 95-96 d'octobre 2003

Notes

(1) Antoinette Valentine Rey, épouse Chavassieux (1852-1949) a habité jusqu'à sa mort en 1949 dans sa maison de la rue de Lyon (actuelle rue de la République) où son père avait vécu auprès d'elle ses dernières années.
(2) Eugène, son troisième prénom à l'état civil, fut son prénom usuel. Nous le désignerons donc par celui-ci.
(3) Cf. le récit du docteur Rey lui-même dans Historiettes foréziennes et vieux souvenirs, Montbrison, Emile Paul, 2 vol., 1896-1897, tome I, p. 69.
(4) Archives municipales de Montbrison, acte de mariage de Joseph Rey et de Marie Vidal, le 20 pluviose an VIII et acte de naissance de leur première fille Antoinette Rey, le 16 floréal an XI.
(5) Archives municipales de Montbrison, registres paroissiaux de Saint-André, 19 janvier 1752.
(6) Les chirurgiens de l'Ancien Régime étaient, en fait, chirurgiens-barbiers. Ils devinrent, après 1789, officiers de santé (titre qui était inférieur à celui de médecin).
(7) Eugène Rey, op. cit., tome I, p. 67.
(8) Grégoire Baune était bossu ; fier parce qu'il avait peur d'être humilié, il pratiquait l'escrime, ce qui était une façon d'annoncer qu'il se ferait éventuellement respecter : il blessa grièvement en duel un demi-solde, ancien officier de la Garde impériale, qui s'était moqué de sa petite taille et l'avait appelé " mon petit bonhomme ". Le blessé survécut ce qui évita à Grégoire Baune d'être arrêté mais il dut alors quitter Montbrison et devint secrétaire de mairie à Montaud. Grégoire Baune fut le père d'Eugène Baune (1799-1880) qui devint l'un des chefs du parti républicain, rédacteur en chef de La Réforme et député de la Loire en 1848-1851. Cf. notre étude : Claude Latta, Eugène Baune (1799-1880), un républicain dans les combats du XIXe siècle, Montbrison, préface d'Alain Corbin, Montbrison, 1995.
(9) Le docteur E. Rey, Monographie historique et descriptive de Notre-Dame de Montbrison, Montbrison, Lafond, 1885. Cf. Introduction, p. XII.
(10) Claude Latta, " La famille Richard de Laprade : les ancêtres du poète ", Village de Forez, n° 13, janvier 1983, p. 3-7.
(11) Pierre Guiral, " Le choléra à Marseille ", dans Louis Chevalier [dir.], Le choléra, la première épidémie du XIXe siècle, Paris, Bibliothèque de la révolution du XIXe siècle, tome XX, 1958.
(12) Hubert Bonnet, La faculté de médecine de Montpellier, Montpellier, Sauvamps médical, 1992.
(13) F. Goutorbe, art. cit., p. 269.
(14) Eugène Rey, Historiettes foréziennes, op. cit., tome II, p. 29-30.
(15) Ibid., p. 30-31.
(16) Journal de Montbrison, mars 1898, discours du docteur Dulac prononcé lors des funérailles du docteur Rey.
(17) Catherine Favrot, née à Montbrison le 5 novembre 1816, fille de Louis Favrot, avoué, et d'Ursule Coulaud.
(18) Nous avons indiqué en italiques les prénoms usuels des enfants du docteur Rey.
(19) Eugène Rey, Historiettes foréziennes, op. cit., tome I, p. 93.
(20) Francis Goutorbe, art. cit., p. 269-270.
(21) Texte publié par Roger Garnier dans le Bulletin des Amis du Musée Déchelette, 1990.
(22) Journal de Montbrison, mars 1898, discours du docteur Dulac, doc. cit.
(23) Docteur Eugène Rey, Résumé de l'influence que les sciences chimiques et physiques ont exercé sur la nature intime des maladies, 1842, 43 p. Bibliothèque de la Diana, brochures. Exemplaire donné par l'auteur.
(24) Docteur Eugène Rey, Résumé de l'influence…, op. cit., p. 20.
(25) Docteur Eugène Rey, Résumé de l'influence…, op. cit., p. 17.
(26) Docteur Eugène Rey, Résumé de l'influence…, op. cit., p. 43.
(27)Cf. Joseph Barou, " La ferme-école de la Corée ", Bulletin de la Diana, 1983, tome XLVIII, n° 3, p. 83-95.
(28) Il en fit partie au moins jusqu'en 1868 (communication de Michaël Lathière).
(29) Docteur E. Rey, " L'hygiène du cultivateur ", La Feuille du cultivateur, n° 1 et sq, microfilm, La Diana.
(30) Ibid., 1ère série, p. 11.
(31) Ibid., p. 34.
(32) Ibid., p. 35.
(33) Ibid., p. 37.
(34) Ibid., p. 39.
(35) Ibid., p. 39.
(36) Ibid., 2e série, p. 6-7.
(37) Cf. Henri Gerest, " L'insalubrité en Forez 1810-1850 ", Bulletin de la Diana, t. XLIX, n° 4, 1985, p. 137-154.
(38) Journal de Montbrison, mars 1898, discours de Claude Chialvo, maire de Montbrison, lors des funérailles du Dr Rey.
(39) Archives municipales de Montbrison, P.V. des séances du conseil municipal. Les citations suivantes sont extraites des mêmes P.V.
(40) La loi de 1855 prévoyait la nomination des maires par le pouvoir central, représenté par le préfet. Jusqu'en 1865, le maire n'était même pas forcément choisi parmi le conseil municipal. Une circulaire de 1865 rendit cependant obligatoire le choix du maire parmi les conseillers municipaux. Cf. Jocelyne George, Histoire des maires, Paris, de Bartillat, 1989, p. 155.
(41) Ville de Montbrison, Procès-verbaux des délibérations du conseil municipal du 22 juillet 1870 au 23 février 1872, Montbrison, Huguet, 1872.
(42) Ibid., p. 10-11.
(43) Alphonse Jean-Baptiste Chavassieu était le fils de Laurent Chavassieu, maire de Montbrison en 1848. Ces Chavassieu n'ont pas de rapport de parenté avec le gendre du docteur Rey.
(44) Michel Bernard était le frère aîné de Martin Bernard, républicain député en 1848 et de l'historien forézien Auguste Bernard.
(45) Le docteur E. Rey, La collégiale…, op. cit., p. 57.
(46) Ibid., p. 57.
(47) Le docteur Rey, La nouvelle chaire de Notre-Dame d'Espérance de Montbrison, Montbrison, 1891, br., 9 p.
(48) Le docteur Rey, A propos du tremblement de terre du 26 août 1892, br., 4 p. et Journal de Montbrison.
(49) Ibid.
(5à) Abbé F. Renon, Chronique de Notre-Dame d'Espérance de Montbrison, Roanne, Imprimerie A. Farine, 1847.
(51) Le docteur E. Rey, Monographie…, op. cit., introduction, p. XV.
(52) Ibid. p. 49. Le docteur Rey reprend ici le texte de l'inscription placée par ses paroissiens sur le tombeau de l'abbé Populus au cimetière de Montbrison.
(53) Ibid., p. 93.
(54) Pendant la guerre de Cent ans, Montbrison fut occupé à plusieurs reprises par les " bandes anglaises ".
(55) Allusion au siège et à la prise de Montbrison, en 1562, par le baron des Adrets.
(56) Notre-Dame fut, pendant la Terreur, en 1794, transformée en temple de la Raison.
(57) Le docteur E. Rey, Monographie…, op. cit., p. 94.
(58) Cf. Noël Gardon, " Le docteur Rey, militant catholique ", Bulletin de la Diana, tome LV, n° 4, 1996, p ; 377-381. Cet article est venu en complément, sur un point particulier, de l'étude que Francis Goutorbe et moi-même avions présentée à la Diana.
(59) Le docteur E. Rey, L'idée de Dieu et la science contemporaine, Montbrison, Emile Faure, 1893.
(60) Le docteur E. Rey, L'idée de Dieu…, op. cit., p. 41-42.
(61) Le docteur E. Rey, L'idée de Dieu…, op. cit., p. 41-42.
(62) Le docteur E. Rey, L'idée de Dieu…, op. cit., p. 167.
(63) Cité par Noël Gardon, art. cit., p. 379.
(64) Jean-Claude Chapuis fut propriétaire de la Diana de 1821 jusqu'à sa mort en 1851.
(65) Eugène Rey, Historiettes…, op. cit., tome II, p. 25-26.
(66) Rapport des docteurs Rey, Hippolyte Dulac, Paul Dulac, et Rigodon, 24 novembre 1879. Cité par F. Goutorbe, art. cit., p. 274.
(67) Ibid.
(68) Cité par F. Goutorbe, art. cit., p. 274.
(69) Cité par F. Goutorbe, art. cit., p. 277.
(70) Cité par F. Goutorbe, art. cit., p. 277.
(71) Le docteur Rigodon fut plus tard, lui aussi, maire de Montbrison. En 1914, âgé de 66 ans, il s'engagea comme médecin militaire et fit toute la guerre.
(72) Journal de Montbrison, mars 1898, discours du docteur Dulac prononcé lors des funérailles du docteur Rey.
(73) Eugène Rey, Historiettes…, op. cit., tome II, p. 73-81
(74) Ibid., p. 76 et sq.
(75) Claudius Roux, Histoire des Sciences naturelles et agricoles en Forez, Lyon, A. Rey, 1911, p. 252.
(76) Journal de Montbrison, mars 1898, discours du docteur Dulac, op. cit.
(77) Ibid.
(78) Cf. les remarques très pertinentes de Michel Vovelle, L'heure du grand passage, chronique de la mort, Paris, Gallimard, collection Découvertes, 1993, p. 66-68.

Village de Forez, bulletin d'histoire locale du Montbrisonnais


Supplément au n° 95-96 d'octobre 2003

Voir aussi la page

Concours agricole
Montbrison (1857)


Conception
David Barou
textes et documentation
Joseph Barou


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19 novembre 2013