Rhône-et-Loire
(1790-1793)
(Archives privées)
Le
département de Rhône-et-Loire
(26
février 1790 - 12 août 1793)
Le document ci-dessus
est la reproduction d'une carte tracée et coloriée0
à la main il y a près de deux siècles. Il
s'agit du département de Rhône-et-Loire. C'est l'occasion
de rappeler quelle fut la brève existence de cette entité
administrative.
Le
Lyonnais, Forez et Beaujolois : un ou deux départements
?
En décembre 1789. l'Assemblée constituante décide
que la royaume sera partagé en départements - il
y en aura 75 au minimum et 85 au maximum - qui remplaceront les
anciennes provinces. Chaque département sera divisé
en districts eux-mêmes subdivisés en cantons d'environ
quatre lieues carrées.
Que vont devenir le Lyonnois, Forez et Beaujolois qui formaient
jusque là, une seule généralité, celle
de Lyon ? Il y a de fortes divergences suivant les régions
:
La plupart des Foréziens souhaitent ne pas être subordonnés
à Lyon. Ce serait un chef-lieu de département presque
inaccessible - aucune route vraiment praticable ne relie Montbrison
à Lyon - et ils redoutent la poids de la métropole
rhodanienne.
L'histoire, particulièrement le long conflit entre les
comtes de Forez et les archevêques de Lyon, a modelé
le particularisme forézien. La géographie, surtout,
plaide en faveur de deux unités administratives distinctes.
Le Forez forme une région naturelle et Delandine (1) ,
député du Forez, a raison d'affirmer :
Le Forez est un vaste bassin coupé
par la Loire, environné de montagnes de tous côtés.
Ses limites sont marquées par les bornes immuables de la
nature. (2)
Les Lyonnais sont évidemment partisans du département
unique ainsi que les habitants de Saint-Chamond (4 100 habitants)
et de Saint-Etienne (28 000 habitants). Ces villes industrieuses
sont mieux reliées à Lyon par la route de Lyon au
Haut-Languedoc. De plus Saint-Etienne s'oppose traditionnellement
à la suprématie administrative de Montbrison qui
ne compte que 4 400 habitants.
Les représentants du Beaujolais ne sont pas hostiles à
un grand département, en tout cas ils ne veulent pas être
coupés de Lyon. Ajoutons que les Annonéens revendiquent
pour la département du Vivarais (l'Ardèche) le territoire
du bailliage de Bourg-Argental.
En ce qui concerne les chefs-lieux de district il y a beaucoup
de candidatures : Lyon, Villefranche, Montbrison, Saint-Etienne,
Roanne. mais aussi Bourg-Argental (siège de bailliage),
Charlieu, Saint-Bonnet-le-Château (siège du bailliage
du Chauffour jusqu'en 1771), Feurs, Rive-de-Gier, Saint-Chamond,
Saint-Just-en-Chevalet, Saint-Symphorien en Beaujolais.
Constitution du département
de Rhône-et-Loire
La Constituante tranche finalement en faveur
des Lyonnais pour des motifs politiques. Il s'agit de balancer
l'influence de la grande ville en lui adjoignant un vaste département.
Un seul département est donc créé avec les
trois provinces sous la nom de Rhône-et-Loire. Le décret
du 26 février 1790 précise :
L'assemblée
de ce département se tiendra provisoirement dans la ville
de Lyon, et alternera ensuite dans les villes de Saint-Etienne,
Montbrison, Roanne et Villefranche ; à moins que les électeurs
ne préfèrent d'en fixer définitivement la
résidence.
Ce département est divisé en six districts, qui
sont : la ville de Lyon, la campagne de Lyon, Saint-Etienne, Montbrison,
Roanne et Villefranche. L'assemblée du district de la campagne
se tiendra dans la ville de Lyon. (3)
Sur la carte que nous présentons les chefs-lieux de district
sont désignés par un bonnet phrygien surmontant
une pique, les chefs-lieux de canton par un signe particulier
(un barre surmonté d'un "x") le.chef-lieu de
département par un petit drapeau.
Le document indique 71 cantons et non 73 comme le précise
la décret du 26 février 1790. Le district de Montbrison
qui correspond sensiblement à l'arrondissement actuel est
divisé en 13 cantons (4).
Cantons
du district de Montbrison (5)
(nous avons conservé l'orthographe de la
brochure de 1790 )
Montbrison
ville
Montbrison campagne [ 24 communes]
:
Moingt, Saint-Thomas
Poncins, Savignieux
Lésignieux & ses Parcelles, Lérignieux
Champdieu, Chatel-Neuf
Pralong, Ecotay
Magnieu-Haute-rive, Marcilly
Bard, Saint-Paul-d'Uzore
Essertines, Chalain-d'Uzore
Mornand, Champs
Mont-Verdun, Verrières-sur-Ecotay
Précieux & Grézieux, Chambéon
Roche-sur-Montbrison
Sury-le-Comtal [10 communes] :
Saint-Georges & Monsupt, Veauchette
Boisset-les-Mont-Rond, Saint-Romain-le-Puy
Craintillieu, Chalain-le-Comtal
L'Hôpital-le-Grand, Saint-Cyprien
Ugnias
Saint-Rambert-sur-Loire [9 communes]
:
Saint-Just-sur-Loire, Andrézieu
Saint-Maurice-en-Gourgois, Chambles
Bothéon, Bonson
Veauche, Périgneux Miribel & Parcelles
Saint-Marcellin [7 communes] :
La Chapelle-en-la-Faye, Luriecq
Saint-Prist & Boisset, Marols
Mont-Archer, Chenereilles
Saint-Jean-Soleymieux
[4 communes] :
L'Advieu, Chazelles-sur- l'Advieu
Gumières
Saint-Bonnet-le-Château
[9 communes] :
Estivareilles, Merle-Leniecq & Parcelles
St-Hilaire & Parcelles, Saint-Nizier
Usson, La Tourette
Roziers & ses Parcelles, Apinhac & ses Parcelles
Saint-Galmier
[11 communes] :
Rivas, Marclopt
Cusieux, Chambuf
Aveizieux, Meylieux & Mont-Rond
Chevrières, Saint-Cyr-les-Vignes
Saint-Médard ou Saint-Miard, Saint-Bonnet-les-Oulles
Chazelles-sur-Lyon
[9 communes] :
Bellegarde, Virigneux
Grammont, Maringes
Chatelus, Saint-André-le-Puy
Viricelles, Saint-Denis-sur-Coise
Feurs
[17 communes] :
Saint-Laurent-la-Conche, Rosiers
Sury-le-Bois, Valeilles
Jas, Pouilly-les-Feurs
Saint-Martin-l'Estra, Cottances
Panissières, Saint-Barthélemy-L'Estra
Salvisinet, Epercieux
Essertines, Sail-en-Donzy
Le Palais & Civen, Saint-Paul-d'Epercieux
Boën
[19 communes] :
Marcoux, Sainte-Foy-en-Bussy
Saint-Sixte, La Bouteresse
Mizérieux, L'Hôpital-sur-Rochefort
Sainte-Agathe, Nervieux & Grénieux
Saint-Etienne-le-Mollard, Saint-Sulpice-en-Bussy
Saint-Laurent-en-Solore, Trelins & Leignieux
Bussy-Albieux, Cleppé
Arthun, Rochefort
Le Sail-de-Couzan, Sézai & Allieu
Saint-Georges-en-Cousan
[7 communes] :
Sauvain, Saint-Just-en-Bas
La Côte-en-Couzan, Chalmazet
Palognieux, Saint-Bonnet-le-Couraux
Cervières
et Noirestable [7 communes] :
Les Salles, Saint-Jean-la-Vestre
La Chambas, Saint-Jullien-la-Vestre
Saint-Didier & la Côte-en-la-Valla, Saint-Priest-la-Vestre
La
carte porte trois routes concernant
le Forez :
- La route de première classe de Paris en Provence par
le Bourbonnais et Lyon (une des plus anciennes du royaume) qui
passe à La Pacaudière et Roanne :
- La route de deuxième classe de Lyon au Haut-Languedoc
par Brignais, Rive-de-Gier, Saint-Chamond, Saint-Etienne, Firminy.
- La route de Roanne au Languedoc par Saint-Germain-Laval, Montbrison
et Saint-Etienne (ne figure que le tronçon Montbrison-Saint-Etienne,
le seul vraiment praticable).
Notons encore l'échelle établie en toises et la
rose des vents qui porte encore une fleur de lys.
Formation
provisoire du département de la Loire
L'insurrection fédéraliste de Lyon va entraîner
le démembrement du département de Rhône-et-Loire.
Créé pour un motif politique ce département
va disparaître pour un autre motif politique. En 1793 Lyon
se rebelle contre la Convention et cherche à gagner à
la Contre-Révolution les régions voisines. Pour
couper les insurgés Lyonnais des appuis qu'ils trouvent
dans le Forez, principalement à Montbrison, les représentants
en mission près de l'Armée des Alpes prennent,
le 12 août 1793, un arrêté créant le
département de la Loire :
Considérant
que l'administration de Rhône-et-Loire n'existe plus d'une
manière légale... Considérant, enfin, que
les lois ne peuvent être exécutées dans l'étendue
d'un département dont le chef-lieu est déclaré
en état de révolte, que la ci-devant Forez compose
une partie très importante de ce département, que
les circonstances actuelles exigent la séparation ou division
du département de Rhône-et-Loire, que cette division
est encore conforme aux principes qui veulent que les administrés
soient rapprochés de leurs administrations, qu'il n'existe
pas sans nécessité absolue des départements
trop supérieurs par leur population aux autres, ont arrêté
:
Article premier.- Il y aura provisoirement un département
composé des districts de Saint-Etienne, Montbrison et Roanne
dont la population surpasse trois cents mille âmes.
Art. 2. - Ce département portera le nom de La Loire
et le chef-lieu sera dans la ville de Feurs,
jusqu'à ce que les administrés aient émis
leur voeu sur son emplacement, sauf à augmenter le nombre
des districts s'il y échet... (6)
L'arrêté,
pris à la Pape, au quartier général de l'armée
des Alpes est signé de Dubois-Crancé, Sébastien
de Laporte, Claude Javogues et Gauthier, de l'an 2e de la République
une et indivisible.
La
ville de Montbrisé fit la guerre à la liberté
; elle n'est plus...
En
ce qui concerne Montbrison qui a suivi trop volontiers Lyon contre
la Convention, Claude Javogues prend le fameux arrêté
du 29 octobre 1793 qui ramène la capitale du Forez au rang
d'une simple bourgade et mutile son nom :
Article premier. - Toutes les murailles et fortifications
qui entourent la ville de Montbrisé
seront rasées.
Art. 2. - Il sera élevé sur leurs débris
une colonne portant cette inscription :
"La ville de Montbrisé fit
la guerre à la liberté ; elle n'est plus".
Art. 3. - Toute autorité constituée établie
dans la ville de Montbrisé est supprimée.
Art. 4. - Le chef-lieu du district, l'administration, le
tribunal et le bureau de conciliation sont fixés dans la
ville de Boën ... (7)
Javogues prend cet arrêté d'Armeville , ci-devant
Saint-Etienne, la 8e jour de la 1ère décade du 2e
mois de la République française une et indivisible.
Constitution définitive
du département de la Loire
La 29 brumaire (19 novembre 1793) un décret de la Convention
vient confirmer l'arrêté des représentants
en mission, créant définitivement le département
de la Loire avec Feurs comme chef-lieu. Les cantons de Belmont
et Charlieu qui avaient été un moment rattachés
à la Saône-et-Loire sont récupérés.
Les trois districts du nouveau département correspondent
sensiblement aux arrondissements d'aujourd'hui.
La temps des représailles s'éloigna un peu et le
11 prairial de l'année suivante (30 mai 1794). la Convention
rétablit Montbrison comme chef-lieu de district, ceci malgré
les protestations véhémentes des Boënnais.
A la fin de 1794, les administrateurs du département du
Rhône tentent de faire rétablir la département
de Rhône-et-Loire. Mais les Lyonnais ont moins de poids
qu'en 1790 et leur tentative se heurte à l'opposition presque
unanime des communes de la Loire (Saint-Etienne y compris, cette
fois) et des Sociétés populaires. La Loire reste
le 88e département de la République.
Enfin le 6 fructidor, an IV (23 août 1795), la Convention
rétablit Montbrison dans ses prérogatives de chef-lieu
de département. Le transfert est effectif le 26 fructidor
(12 septembre). L'ancienne capitale des comtes de Forez sera pendant
soixante ans le chef-lieu de la Loire au grand dam des Stéphanois.
La séparation progressive du Forez et du Lyonnais se poursuit
lentement au cours des siècles. Un nouveau pas a été
franchi, le 31 mai 1971, avec l'érection du diocèse
de Saint-Etienne qui détache de l'ancien et prestigieux
siège de Lyon les arrondissements de Saint-Etienne et de
Montbrison.
Rhône-et-Loire, Loire, Lyon, Feurs, Montbrison : varier
semble la destin de toutes les circonscriptions administratives
car souvent pour établir leurs limites il y a divergence
entre la politique et la géographie.
Joseph
Barou
(1)
Antoine-François Delandine (Lyon le 6 mars 1756, + à
Lyon la 5 mai 1820) : député du tiers état
du Forez, avocat, bibliothécaire de la ville de Lyon, arrêté
à Néronde et emprisonné à Lyon en
1793, acquitté, anobli par Louis XVIII.
(2) Archives parlementaires, tome XI, séance du
8 janvier 1790 ; cité par E. Brossard, Histoire du département
de la Loire pendant la Révolution française,
tome 1, Saint-Etienne, 1904.
(3) E. Brossard,
Histoire du département de la Loire pendant la Révolution
Française, tome 1, Saint-Etîenne, p. 227.
(4) La carte porte 12 cantons pour le district de Montbrison,
au lieu de 13. Il semble qu'il y ait eu une hésitation
en ce qui concerne Saint-Galmier. Peut-être la carte a-t-elle
été dressée alors que le découpage
était encore en projet (avant la 26 février 1790).
(5) Liste des localités extraite de Département
du Lyonnois, Forez et Beaujolois, brochure imprimée
signée De Lachapelle et datée du 21 avril 1790,
archives de la Diana.
(6) Cité
par E. Brossard, Histoire du département de la Loire
pendant la Révolution française, Saint-Etienne,
1904, tome 2, p. 162.
(7) Cité par E. Brossard, Histoire du département
de la Loire pendant la Révolution française,
tome 2, p. 241.
[extrait de
Village de Forez n° 28, 1986]
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* *
Timbre
du département de Rhône-et-Loire
LA
LOI
LE ROI
D. RHONE ET LOIRE
EXPEDITION
8 SOLS