Petit patrimoine :

En flânant dans les rues de Montbrison

Inventaire des décrottoirs du Centre-ville

Le promeneur distrait ne remarque pas toujours près du seuil d’un certain nombre de portes des maisons de la ville de Montbrison ces petits objets de ferronnerie. Le décrottoir – le mot est un peu trivial – avait pourtant autrefois une réelle utilité. Il consiste en une lame de fer de 20 à 30 cm solidement fixée au mur de la maison, à une marche d’escalier ou au trottoir. Elle permet au visiteur de racler la semelle de ses chaussures afin de ne pas transporter dans le logis la boue de la chaussée. C’est le premier soin conseillé avant l’usage éventuel d’un paillasson présent dans le couloir ou le vestibule. En plus de cette fonction bien pratique les décrottoirs, même s’ils sont parfois très simples, ajoutent du pittoresque à la maison car tous ont leur personnalité.

Les décrottoirs sont nés en même temps que les trottoirs… Ils font partie de l’histoire de la marche dans nos villes à la fin du xviiie siècle, c’est du moins l’avis de l’historien belge Christian Lenoir (1). Ils se sont multipliés dans la deuxième moitié du XIXe pour ensuite devenir progressivement obsolètes avant la seconde guerre mondiale avec l’amélioration de l’état des chaussées surtout dans les villes.

Qu’en reste-t-il à Montbrison en 2017 ? Nous avons recherché et inventorié 34 décrottoirs encore présents dans le centre historique de la ville donc dans la limite des boulevards. Nous avons négligé les faubourgs et les écarts, très peu concernés. De même, nous n’avons pas comptabilisé les quelques modèles de deux grandes voies (l’avenue Alsace-Lorraine et la rue de la République) situées en dehors du centre-ville.

Localisation

La plupart se trouvent sur le boulevard périphérique : 26 sur 33
(79 %) :
12 dans la section Chavassieu ;
7 dans la section Lachèze ;
2 dans la section Carnot ;
2 dans la section Préfecture ;
2 dans la section Madeleine ;
1 dans la section Duguet.

Cela ne doit pas surprendre. Le boulevard, voie très large, bénéficie de vastes contre-allées. De nombreux immeubles, parfois assez cossus, y ont été construits au XIXe siècle ou au début du XXe et étaient occupés par des fonctionnaires, des commerçants ou artisans aisés et des rentiers.

En revanche, ils sont pratiquement absents dans le centre historique : aucun rue Puy-de-la-Bâtie,, rue du Marché, rue Saint-Jean, un seul rue Martin-Bernard…

Un seul se trouve en haut de la longue rue Tupinerie. Cela est sans doute dû à l’ancienneté des constructions dans les vieux quartiers et pour les rues commerçantes à la place tenue par les très nombreuses devantures de magasins. De plus, les rues du centre étaient pavées (2) donc sans doute un peu moins boueuses…

(1) Christian Lenoir, chercheur à l’Université libre de Bruxelles, cité dans un article du journal belge Le Soir intitulé Petite histoire des décrottoirs au fil de nos trottoirs du 17 août 2011.

(2) La rue Tupinerie, par exemple, n’a été goudronnée que dans les années 60.

Typologie

Pour 34 portes, 35 décrottoirs différents ont été recensés car certaines portes en comptent deux identiques, une seule porte en a deux de modèles différents. Ils sont de six types principaux :

Type A :

lame parallèle au mur, fixée au mur par deux pattes : numéros 1, 8, 13, 15, 17, 20, 21, 28, 29, 32, 34 de l’inventaire.

C’est le modèle le plus courant (11 cas sur 35). Simple de fabrication pour les plus ordinaires, il est alors peu coûteux. Celui du boulevard Duguet est particulièrement décoratif.

Type B :

lame parallèle au mur, fixée au mur par une seule patte coudée : numéros 23 et 27.

Deux cas sur 35 : type peu représenté pour une question de solidité.

Type C :

lame fixée perpendiculairement au mur : numéro 33.

C’est l’unique décrottoir trouvé rue Tupinerie et qui a beaucoup de classe.

Type D :

lame en demi-cercle, fixée au mur en deux points : numéros 3, 10, 30.

3 modèles : l’un comporte aussi des pieds fixés au sol, décoratifs mais aussi bien utiles à la solidité de l’ensemble. L'autre est orné de moulures (numéro 3) ; le troisième est situé à l’entrée d’une niche au bas du mur (numéro 30).

Type E :

lame parallèle au mur, fixée sur le sol par deux pieds : numéros 5, 6, 7, 9, 11, 18, 24, 25, 26 G.

9 décrottoirs de ce type sur 34. Ils peuvent être extrêmement simples comme le numéro 11 et le 26 G ou particulièrement décoratifs.

Type F :

lame fixée sur le sol par un seul pied : numéros 4, 12, 14, 16, 19, 22, 26 D, 31.

8 décrottoirs sont de ce modèle qui a le défaut de manquer de stabilité. Ainsi le très bel exemplaire de la Diana avait son pendant à gauche qui a été arraché ou cassé au ras du trottoir.

Inventaire

Boulevard Carnot :

N° 1
         

18, boulevard Carnot,

décrottoir très simple, de forme rectangulaire, en fer forgé, la lame émoussée par le frottement des chaussures est solidement scellée à droite de la porte au mur de pierre par des tiges rondes à une quinzaine de centimètres du sol ; traces de peinture, bon état.

 

                                      

N° 2

23, boulevard Carnot,

modèle original, vraiment atypique à partir d'une barre de fer carrée coudée plusieurs fois à angle presque droit. La lame est mutilée et couchée. Le décrottoir (tordu ?) est fixé à gauche de la porte exactement au bord de la première marche d'un petit escalier de pierre. La lame se présente obliquement et permet d'ôter facilement la boue du bord des chaussures. Il n'entre pas dans notre classification.

                             

 

Boulevard Chavassieu :

N° 3


2 bis, boulevard Chavassieu,

décrottoir simple mais élégant ; la lame en forme de demi-cercle décorée de moulures est fixée dans le mur à droite de la porte au niveau de la deuxième marche d'un petit escalier très soigné ; traces de peinture.

 

                                      

N° 4

4, boulevard Chavassieu,

deux décrottoirs en fonte moulée, décoratifs mais assez lourds, encadrent une porte à deux battants ostensiblement scuptée. Ils sont scellés au trottoir au bas d'un escalier de deux marches. Plus que le côté pratique - bien qu'ils soient visiblement encore utilisées - il s'agit de compléter l'aspect très bourgeois d'une façade soignée.

                         

N° 5

6, boulevard Chavassieu,

le décrottoir est à gauche, ce qui est inhabituel, d'une belle porte surmontée d'un balcon ; très élégant, la lame est encadrée de deux volutes et ornée , en dessous, d'un bouton de fer tenu par deux fines tiges. Il s'agit d'un beau travail de ferronnerie.

                         

N° 6

8, boulevard Chavassieu,

modèle simple, efficace et élégant, en fer forgé : la lame, presque au ras du sol, est encadrée de deux jolies volutes qui terminent les tiges scellées dans le trottoir, à droite et au niveau du seuil d'une sobre porte à deux battants.


                         

N° 7

10, boulevard Chavassieu,

encore un très élégant décottoir : la lame, large, se prolonge de chaque côté par deux fines volutes. elle est fixée, à droite de la porte, au trottoir qui est au niveau du seuil par trois tiges qui lui sont soudées ; deux latérales terminées en volutes et une centrale sobrement décorée.

                            

N° 8

14, boulevard Chavassieu,

à droite d'une porte étroite, le décrottoir est formé d'une simple bande de fer d'environ 3 cm de large soudée à deux petites plaques de fer percées, chacune, de deux trous qui permettent de le fixer par des boulons scellés dans le mur. L'ensemble paraît "bricolé" avec des rondelles et boulons modernes.

             

N° 9

15, boulevard Chavassieu,

à droite d'une porte étroite, modèle très simple ; la lame droite est fixée aux deux bouts par des tenons à deux fortes tiges carrées verticales solidement scellées dans le ciment du trottoir ; il ne s'agit pas d'une fabrication artisanale ; un bac à fleurs en ciment cache en partie de décrottoir difficilement fonctionnel.

                      

N° 10

20, boulevard Chavassieu,

à gauche de la porte, fixé au mur, le décrottoir est formé d'une large bande en demi-cercle qui s'enfonce dans le mur. Il repose aussi sur deux élégants pieds scellés dans le ciment du trottoir. Le décor consiste en un petit bouton tenu au ras du sol par deux fines tiges formant une jolie accolade renversée ; peint en blanc.,

                      

N° 11

22, boulevard Chavassieu,

c'est sans doute le plus simple de tous les décrottoirs. Il est fabriqué d'une seule pièce à partir d'une barre de fer ronde ; au centre, la lame, aujourd'hui usée et émoussée, a été aplatie - et les deux pieds s'enfoncent presque verticalement dans le ciment du trottoir. Simplicité et efficacité. Pourtant, ce modeste accessoire est à droite d'une superbe porte à deux battants surmontée d'un beau balcon.

                        

N° 12

24, boulevard Chavassieu,

fixé sur la marche au-dessous du seuil, à droite d'une belle porte à deux battants, ce décrottoir en fonte moulée est très décoratif avec boutons aux deux boutons d'une lame épaisse, volutes et rosaces ; une seule tige, très forte, s'enfonce dans la pierre ; il est peint couleur sang de boeuf comme la porte.

                       

N° 13

26, boulevard Chavassieu,

modèle très simple, de facture artisanale ; la lame, légèrement arrondie se prolonge par deux pattes qui sont scellées dans la pierre du mur à gauche et au niveau du seuil d'une jolie porte à un seul battant mais dotée d'un charmant heurtoir ; peinture sang de boeuf en harmonie avec celle de la porte et des volets.

                       

N° 14

32, boulevard Chavassieu,

ce décrottoir a une forme très originale ; la lame en forme de croissant de lune évidé est fixée sur une marche à droite à droite de la porte d'une modeste maisonnette. En 1896, les maisons concernées du boulevard Chavassieu sont occupées par des personnes qualifiées de "rentiers" (n° 4 et n° 8), de propriétaires (n° 10 et n°14). Il y a un avoué (n° 22), un agent voyer d'arrondissement (n° 6), un conservateur des hypothèques (n° 26), un marchand de poissons (n° 20).

                     



Boulevard Duguet

N° 15

16, boulevard Duguet,

modèle très soigné de décrottoir ; au niveau de la première marche, à gauche d'un escalier menant à la porte d'une maison de caractère (maison "Jay") dotée d'un vaste parc. Deux fortes patte carrées décorées de volutes fixent l'épaisse lame au mur.


                         

Boulevard Lachèze

N° 16


 

2, boulevard Lachèze,

le décrottoir, très simple, se compose d'une lame courbe fixée par une seule tige dans la pierre de la marche d'un petit perron à droite de la porte soigneusement mise en valeur : encadrement en pierre taillée, balcon soutenu par des corbeaux sculptés.

                    


N° 17


8, boulevard Lachèze,

modèle très simple fait d'une seule bande de fer coudée deux fois pour former la lame et les deux pattes d'ancrage dans le mur ; il est placé à droite d'une porte étroite au niveau du seuil et conserve des traces de peinture blanche.

                     


N° 18

 

13, boulevard Lachèze,

décrottoir en fonte moulée très décoré (volutes, rinceaux...) mais lourd ; la lame est épaisse et les deux pieds scellés dans le trottoirs sont particulièrement massifs. Il est placé à gauche d'une petite porte bien encadrée et surmontée d'un balcon très soigné.

                   

        

      

N° 19

28, boulevard Lachèze,

un décrottoir mutilé, de type F, est fixé à la troisième marche d'un escalier de pierre par une tige plus haute que dans la plupart des modèles, à gauche d'une porte à deux battants. Une courte rambarde sur le même côté permet au visiteur de nettoyer confortablement ses chaussures avec la lame placée perpendiculairement au mur. Traces de peintures blanche sur le decrottoir et la rambarde.   

                  
N° 20

29, boulevard Lachèze,

deux décrottoirs encadrent une porte étroite d'une simplicité de bon aloi qui souvre au niveau du trottoir ; extrêmement simples, peints en blanc ils contrastent heureusement avec le vieux rose du soubassement et de l'encadrement de la porte et contribuent au charme de la façade.

                        

N° 21

30, boulevard Lachèze,

modèle très simple pour ce décrottoir discret fixé dans le mur à troite d'une haute et étroite porte surmontée d'un élégant balcon. De forme rectangulaire il est formé d'une bande de fer coudée qui se polonge pour le fixer au mur. Le décor consiste seulement en deux ergots qui limitent la lame.

                       

N° 22

31, boulevard Lachèze,

décrottoir simple fixé par un seul pied dans le ciment du trottoir à gauche et au niveau du seuil d'une modeste porte à un seul battant ; la lame légèrement incurvée et relevée aux deux bouts est placée perpendiculairement au mur ce qui est inhabituel.

                       

Boulevard de la Madeleine

N° 23

7, boulevard de la Madeleine,

modèle très rustique à lame droite, fixé par une seule patte centrale, dans le mur à droite et au départ d'un petit escalier desservant deux portes ; en médiocre état, rouillé et peu mis en valeur.

                       

N° 24

8, boulevard de la Madeleine,

beau et robuste modèle fixé par deux tiges en haut d'un petit perron à droite d'une belle porte ancienne à deux battants. La lame épaisse mais élégamment incurvée et décorée de perforations lui donne beaucoup de classe.

                  


Boulevard de la Préfecture

N° 25


 

6, boulevard de la Préfecture,

solide décrottoir fixé au mur par deux fortes pattes carrées à gauche d'une haute porte étroite mais comportant une imposte remarquable. La lame, épaire et droite, est élégamment par un faux support : volutes et fleurette ; peinture blanche.


                         

 

N° 26

 

8, boulevard de la Préfecture,

deux décrottoirs différents, très simples, fixés sur la deuxième marche d'un petit escalier encadrent une porte ancienne à deux battants. Celui de droite a sa lame orientée perpendiculairement au mur et l'autre parallèlement. L'aspect pratique a visiblement été privilégié.

    

 

Place du 11-Novembre

N° 27

1, place du 11-Novembre,

Ce décrottoir simple mais bien conçu est fixé dans le mur par une seule patte à droite de la belle porte avec imposte et ferrure d'une petite maison à façade très soignée. C'était, avant la rénovation du quartier, la première maison de la rue du Bourgneuf et la seule ayant un certain caractère. En 1896, elle était habités par un commis greffier.

                    



Rue des Moulins

N° 28

4, rue des Moulins,

modèle corant, fixé au mur à gauche au niveau de la première marche d'une porte traditionnelle avec une imposte protégée par une ferrure rustique en fer forgé ; peint en vert sombre comme la porte. Des maisons de cette rue auraient été bâties au XIXe siècle avec des matériaux provenant de la démolition du prieuré Saine-Croix de Savigneux.

                          

 

Rue du Palais-de-justice

N° 29

3, rue du Palais-de-justice,

modèle sans prétention, fixé au mur à droite d'une belle porte ancienne à deux battants et imposte d'une maison de notable. La porte est surmontée d'un balcon avec une délicate ferronnerie. Nous sommes tout près de l'ancienne demeure du fameux conventionnel Javogues (1759-1796).

                          

Rue Notre-Dame

N° 30

10, rue Notre-Dame,

ce décrottoir est formé d'une simple bande de fer en demi-cercle, fixé au mur presque au ras du sol. Son originalité tient au fait qu'à l'arrière le mur comporte une niche arrondie. il est placé à droite d'une porte - monumentale - surmontée d'un lourd balcon. Il semble vouloir se faire oublier dans cette façade de prestige qui est exactement en face du parvis de la collégiale Notre-Dame.

                          

Rue Florimond-Robertet

N° 31


La Diana, rue Florimond-Robertet,

à droite de la petite porte latérale (droite) de la salle hérardique un magnifique décrottoir en fer forgé est fixé sur le trottoir; un autre lui faisait pendant à gauche de la petite porte gauche. Il a aujourd'hui disparu. Ce prosaïque accessoire dans le même style néo-gothique que la façade est sans doute le plus noble de la ville. il peut être facilement daté : 1865, date de la reconstruction de la façade.

                      

Rue Saint-Pierre

N° 32

9, rue Saint-Pierre,

une superbe porte ancienne d'un hôtel particulier est encadrée de deux décrottoirs identiques simples et discrets fixés au mur. Ce sont les seuls de la ville placés, tardivement, devant une façade de plus de deux siècles. Peints en blanc, ils contrastent heureusement avec le crépi vieux rose du mur.

                        


Rue Tupinerie

N° 33

8, rue Tupinerie,

très original décrottoir à droite et au seuil de la porte d'une charmante petite maison. La lame élégamment découpée et ajourée est fixée perpendiculairement au mur par deux pattes, celle du bas, joliment incurvée, donne de la légèreté à l'ensemble. En 1896, la maison est habitée par le docteur Jean-Baptiste Rigodon (1848-1928) qui a été maire de Montbrison.

                       

Rue Martin-Bernard

N° 34

25, rue Martin-Bernard,

Ce décrottoir, malheureusement en partie descellé, est fixé dans le mur à droite de la belle porte de la "maison des lions", édifice habité au XVIIe siècle par la famille Henrys. Il est constitué d'une simple bande de fer ornée de moulures. Il a été mal installé, l'ancrage de gauche étant insuffisant.l’ancrage à gauche étant insuffisant.  

                        

Montbrison a sans doute compté beaucoup plus de décrottoirs mais la vétusté, les démolitions, les rénovations de façades, l'entretien des trottoirs ont causé des pertes. La plupart de ceux qui restent sont en bon état, parfois peints avec une couleur s'harmonisant avec celle de la porte concernée. C'est le signe de même si leur fonction pratique s'est beaucoup amenuisée, les propriétaires y tiennent encore. Ils ont bien raison car ils contribuent à leur humble place à la personnalité et au charme d'une maison. Espérons que cette petite étude donnera l'envie au lecteur, en flânant dans la ville, de découvrier d'autres traces du passé notamment de belles portes. Montbrison n'en manque pas...

                                                                                                                                                                   Joseph Barou

(Il est possible de retrouver cette étude dans le n° 125 de Village de Forez d'avril 2017, disponible au centre social de Montbrison)


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Conception
David Barou
textes et documentation
Joseph Barou


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3 avril 2017  

 
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