1900
: L'eau
à la borne-fontaine
L'alimentation
en eau de Montbrison est un problème délicat
et ancien. Au 19e siècle comme lors de la dernière
canicule, c'est l'une des préoccupations majeures
de la municipalité.
Au début du 20e siècle,
l'installation des premiers compteurs d'eau permet de faire
le point de la situation dans la sous-préfecture.
Où faut-il installer cette nouveauté ? Pour
les habitants, les bornes-fontaines distribuent gratis l'eau
dans les quartiers. La grande fontaine au milieu de la
rue Tupinerie est la reine de ces points d'eau. Le
monument des Combattants a
aujourd'hui pris sa place. Mais seuls les établissements
importants bénéficient de l'eau à domicile.
Faut-il des compteurs ?
Commençons par la caserne.
Les militaires ont depuis 1877
une concession gratuite de 12,5 m3 d'eau par jour, ce qui
ne fait guère que 25 litres
par soldat. C'est peu pour la popote, la lessive,
la toilette. Et il faut encore abreuver les chevaux et nettoyer
les latrines... Ici, le compteur est inutile. Il n'y a pas
d'abus possibles. La conduite n'est pas capable de fournir
plus.
La sous-préfecture a
aussi droit à 99 hl par jour pour 120 F par an. Il
n'y a pas besoin de contrôle car cette quantité
n'est jamais dépassée. Le couvent
Sainte-Claire reçoit gratis 10 hl par jour.
Il convient de poser un compteur pour vérifier si
les Clarisses ne gaspillent rien !
Les Frères de l'école
Saint-Aubrin et les Surs
Saint-Charles n'ont plus droit à la gratuité
depuis la laïcisation des écoles. Ils auront
donc un compteur tout comme la cure
de Notre-Dame. Les Frères ont droit, pour
50 F par an, à 12 hl par jour. Sur la "base
militaire" de consommation, la norme du moment, cela
suffit pour 48 personnes. Comme ils ne sont pas plus de
12, ils peuvent arroser leur potager. Et ils disposent en
plus d'une belle citerne pour recueillir l'eau de leurs
toits.
Dans un premier temps, la municipalité, toujours
économe, ne trouve pas utile de poser des compteurs
à la gendarmerie, aux
prisons et au tribunal
vu qu'ils sont servis en dernier : "avant
d'arriver à cette altitude l'eau est distribuée
presque sur tous les points de la ville"
! Pour 100 F par an, la prison reçoit 34 hl par jour
autant, et pour le même prix, que l'école
normale. L'élève-maître et le
prisonnier sont sur pied d'égalité. La gendarmerie
a 19 hl par jour pour 70 F par an. Le
tribunal peut utiliser 286 litres par jour, - notons
la précision - , pour 20 F par an.
Peu d'eau et de qualité douteuse
Le débat est ouvert pour la Charité
et l'hôpital. Ils ont
la gratuité depuis 1875. Faut-il y installer des
compteurs ? Le docteur Rigodon
s'insurge : "c'est surtout
quand l'eau est plus rare que les intérêts
de l'hygiène exigent une dépense plus grande".
Selon lui les compteurs sont tout à fait inutiles
car il n'y a pas d'abus possibles. Il faut plutôt
favoriser la consommation.
En 1903 la ville achète,
en trois fois, 71 compteurs à la maison
Eyquem de Paris, des appareils coûteux valant
70 F l'un. Il n'y a en ville que quelques dizaines de familles
ayant l'eau à domicile. Pour la plupart des gens,
c'est l'eau courante
en courant, été
comme hiver, à la borne-fontaine la plus proche.
La petite Cosette n'est pas
si loin.
Eau distribuée avec parcimonie et de qualité
douteuse. M. Conte, directeur
de l'école supérieure,
interdit aux élèves de boire l'eau du robinet
et, dit-il, par fortes chaleurs, ses élèves
souffrent de la soif. Sur sa demande, le conseil municipal
décide d'installer sans retard, un filtre.
Enfin une vieille concession pèse encore sur le service
municipal des eaux. M. Lachèze,
maire de Montbrison sous l'Empire,
s'était réservé 1
450 litres d'eau par jour pour son domaine. En 1903
la veuve de son fils vit encore. C'est la dernière
survivante des ayants droit. Elle est âgée.
Le privilège disparaîtra bientôt. Plus
de privilège aujourd'hui, mais sans doute un peu
de gaspillage.